Menu
Libération
Brexit

«The New European», l'hebdo europhile qui débarque après la bataille

48% des Britanniques ont voté pour le maintien dans l’UE : ils ont désormais leur journal. Cette publication éphémère, dont le premier numéro est sorti vendredi dernier, se présente comme le point de repère du «club» des anti-Brexit.
Le 25 juin, les europhiles protestent en réaction au résultat du référendum. (Photo Immo Klink pour «Libération»)
publié le 13 juillet 2016 à 12h49

Depuis la victoire du Brexit, une vague d'europhilie s'est réveillée contre l'euroscepticisme ambiant. Qui aurait cru que des milliers de Britanniques défileraient un jour avec des pancartes «We love EU» et «All EU need is love» ? Et qui aurait cru que le Royaume-Uni serait le berceau d'un journal uniquement dédié aux europhiles ? C'est pourtant le cas. Depuis vendredi dernier, un petit nouveau a ainsi débarqué sur les étalages entre le Sun et le Guardian : The New European, «le nouveau journal éphémère pour les 48%».

«Nous pensons que c'est important qu'une voix reflète le sentiment des 48% qui ont voté pour rester dans l'Europe», explique son éditeur, Matt Kelly, dans une vidéo de promotion avant de préciser que «ce journal a été fabriqué à partir de rien, en seulement 10 jours ». Cependant, l'aventure devrait être de courte durée : l'hebdomadaire restera limité à quatre numéros, disponibles également en version numérique et via une application mobile.

«Le meilleur de l'Europe»

La couverture du premier numéro paru vendredi dernier – taquine, si ce n'est légèrement condescendante – donne le ton. Face à ses maîtres qui se demandent si les chiens pensent, un clébard se dit : « Ces imbéciles… Voter pour partir de l'UE. Créer un futur marqué par l'incertitude et l'instabilité qui aura des répercussions sur les générations à venir… » Les 48 (évidemment) pages rassemblent des articles de fond, des reportages ou des témoignages qui, sans tomber dans le pessimisme, déplorent le choix du peuple britannique et mettent l'accent sur l'importance de l'UE.

Pour ce projet qui entend célébrer «le meilleur de l'Europe», Matt Kelly a réussi à réunir quelques grands noms de la profession, comme Tanit Koch, la rédactrice en chef du quotidien allemand le plus diffusé, Bild, ou Jonathan Freedland, chroniqueur pour le Guardian et présentateur d'une émission sur BBC Radio 4. Il s'est aussi adjoint l'expertise de Peter Bale, le PDG du Center for Public Integrity, l'organisme qui a lancé l'International Consortium of Investigative Journalists, à l'origine du scandale des Panama Papers, entre autres.

Un pari engagé mais risqué

En temps de crise de la presse, le choix du papier était audacieux. La maison d'édition Archant qui porte ce projet – et qui édite déjà 4 quotidiens et 50 hebdos – aurait pu être découragée par l'exemple de The New Day. Ce quotidien lancé en début d'année qui promettait une «approche optimiste de l'actualité» a disparu deux mois plus tard, faute de ventes. Un autre titre historique de la presse anglaise, The Independent, a cessé d'être imprimé en mars dernier.

Dans ces conditions, un journal qui affirme ne s'adresser qu'à la moitié de la population a-t-il ses chances ? Surtout que The New European n'est pas donné : il coûte 2 livres (environ 2,3 euros), alors que la plupart des tabloids se vendent autour de 50 centimes. Mais comme Matt Kelly l'explique dans son édito : « Le papier, c'est s'engager. Le prix du journal est votre inscription à un club. Et, pour être honnête, nous pensions que les 48% n'avaient pas été particulièrement bien servis par les médias nationaux existants.» Selon une étude, la presse britannique – qui est très à droite – s'est avérée majoritairement favorable au Brexit pendant la campagne. The New European entend rétablir la balance… un peu trop tard peut-être ?