Le chassé-croisé aérien entre juilletistes et aoûtiens qui volent avec Air France s'annonce difficile. Les hôtesses de l'air et stewarts de la compagnie aérienne sont appelés à la grève à partir de mercredi, pour une semaine, faisant craindre à la compagnie des «perturbations» sur ses vols intérieurs et moyen-courriers. Les syndicats SNPNC et Unsa-PNC, qui revendiquent 45% des voix du personnel de cabine, ont maintenu vendredi leur préavis déposé jusqu'au 2 août, après une dernière séance de négociation tenue la veille, sans succès. Selon la direction d'Air France, environ 70% des vols intérieurs et moyen-courriers et 90% des long-courriers devraient être assurés.
Au cœur du conflit : le renouvellement de l'accord collectif des personnels navigants commerciaux (PNC), qui fixe notamment les règles de travail, de rémunération et d'avancement, et arrive à terme fin octobre. La direction de la compagnie propose une reconduction quasi à l'identique de cet accord, mais pour une durée de dix-sept mois, durée jugée «insuffisante» par les deux syndicats. Ces derniers réclament entre trois et cinq ans, ou un accord à durée indéterminée, car elles redoutent une nouvelle difficile négociation dans un an et demi. La direction, elle, argue que le contexte instable du secteur ne lui permet pas de s'engager au-delà de mars 2018.
Pour autant, Air France espère maintenir la majorité de son programme long-courrier mais redoute des «perturbations» probablement «plus marquées sur le court et moyen-courrier». Selon la compagnie, les vols Air France opérés par un avion d'une autre compagnie, dont HOP!, KLM et Delta, ainsi que les vols Transavia ne sont pas concernés.
Pour la direction, «déclencher une grève en plein été, au risque de compromettre le redressement de la compagnie, est une véritable aberration», a déploré dimanche dans le Parisien le PDG d'Air France, Frédéric Gagey. Selon lui, l'entreprise veut «garder une certaine souplesse». Fin 2015, la compagnie tricolore comptait quelque 13 600 personnels commerciaux (hôtesses de l'air et stewarts) parmi ses quelque 50 000 salariés.
Christelle Auster, hôtesse de l'air à Air France depuis dix-sept ans, est secrétaire générale adjointe du SNPNC (Syndicat national des personnels navigants commerciaux). Elle répond à Libération.
Quelle est la représentativité des syndicats appelant à la grève parmi les 13 600 PNC (hôtesses et stewarts) de la compagnie?
L’intersyndicale, qui réunit le SNPNC et l’Unsa, a totalisé 44% des voix aux dernières élections syndicales. Soit la moitié des salariés commerciaux de la compagnie. Notre mouvement compte aussi dans ses rangs le SNGAF (Syndicat des navigants du groupe Air France), qui représente 9% des personnels. Avec les deux autres syndicats qui nous ont rejoints dans ce conflit, soit SUD et la CFTC, nous représentons 60% des PNC de la compagnie.
Les discussions sont-elles rompues avec la direction ou continuent-elles ?
Nous avons rencontré la direction pour la dernière fois jeudi après-midi. Depuis, nous n’avons pas de contact avec elle.
Est-il exact que la direction propose une reconduction à l’identique de l’accord sur les personnels navigants ?
Oui. Grâce à cet accord, nommé Transform 2015, nous avons fait réaliser 220 millions d’économies à Air France. Notre syndicat, même s’il avait des revendications lors du retour à bonne fortune, a abandonné ses revendications pour reconduire cet accord d’amélioration.
Cet accord vous satisfait-il ?
Certaines de nos demandes qui ne sont pas incluses. Mais nous serions en capacité de l’accepter pour sortir du conflit.
Mais pas sur une durée de dix-sept mois mais sur une durée de trois à cinq ans, voire une durée pérenne…
Exactement. Aujourd’hui, ce qu’il faut savoir, c’est que tous les personnels d’Air France sont gérés par des accords à durée indéterminée. Les hôtesses et stewarts forment la seule catégorie qui est gérée par des accords à durée déterminée.
Pourquoi ?
Historiquement, c’était une volonté du personnel navigant commercial parce que nous avions à l’époque des accords qui duraient cinq ans. Lors de Transform 2015, Air France nous a demandé pour la première fois d’avoir un accord qui durait moins de cinq ans, à savoir trois ans et demi, au cas où la situation de l’entreprise se serait dégradée et qu’il aurait fallu que l’on se revoit plus tôt. C’est ce que nous avons accepté dans un premier temps. Mais aujourd’hui, on passe un nouveau cap quand la direction nous demande de signer des accords pour dix-sept mois.
Pourquoi cela vous paraît-il inacceptable ?
Nous avons besoin d’avoir une certaine visibilité sur nos conditions de travail et de rémunération. Et si on va plus loin, on se rappelle que le gouvernement avait commandé en septembre 2015 un rapport qui préconisait la fin des accords à durée indéterminée pour aller vers des accords à durée déterminée. Rapport qui préconisait des accords de quatre ans, soit le temps des mandats syndicaux. Aujourd’hui, pour nous, le signal d’un accord qu’Air France ne veut pas reconduire au-delà de dix-sept mois, c’est la volonté de nous imposer des mesures que nous avons réussi à refuser au cours de la négociation.
Que répondez-vous à la direction qui explique que ce mouvement social risque de mettre à mal tous les efforts humains et financiers réalisés jusqu’à présent et qui ont permis que l’entreprise renoue avec les bénéfices ?
Je trouve que la direction d’Air France oublie que, dans une négociation, il y a deux partenaires autour de la table. Elle partage avec nous la responsabilité du conflit à venir dans quelques jours. La direction avait la capacité d’empêcher ce mouvement, car nous pensons, et les salariés qui nous suivent massivement, que nos demandes sont raisonnables.
Pensez-vous qu’une sortie de crise soit toujours possible d’ici à mercredi ?
Nous ne voulons pas avoir un conflit à tout prix avec la direction. En tant que personnels navigants, nous avons été recrutés car nous faisons attention au client. Nous mesurons parfaitement ce qui est en train de se passer et notre responsabilité. Notre but n’est pas de faire grève mais de trouver un accord. Si nos dirigeants nous appellent pour revenir en négociation d’ici mardi soir, nous serons là.