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Libération
Cahier d'été

L’espèce humaine en pleine évolution ?

L’homme sait aujourd’hui modifier ses propres gènes. Une évolution potentiellement irréversible et qui pose d’importants problèmes éthiques.
Photo d'illustration (Shannon Ramos/Getty Images)
publié le 7 août 2016 à 17h51

L’homme serait-il sur le point de se rendre maître de sa propre évolution ? Le premier séquençage du génome humain, en 2003, a pris treize ans et coûté 3 milliards de dollars. Aujourd’hui, il suffit de trois jours et de 1 000 dollars. Du coup, tout va très vite. En 2012, deux jeunes scientifiques, la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna, ont mis au point une technique baptisée Crispr/Cas9 qui permet très simplement et très précisément de modifier - ou de supprimer - un gène en manipulant directement l’ADN. Ce «scalpel à l’échelle moléculaire», à la portée de «n’importe quelle personne avec des connaissances basiques en biologie», selon Jennifer Doudna, coûte moins de 2 000 dollars.

En d’autres termes, cette technique, à l’origine envisagée à des fins thérapeutiques, pourrait servir à certains apprentis sorciers pour développer une nouvelle espèce humaine, plus forte, plus résistante, avec des dents plus blanches. Car, en manipulant les embryons, comme l’a fait une équipe chinoise en 2015, il devient possible de transmettre à la descendance les changements génétiques.

«C'est un changement absolument radical de la condition humaine qui s'annonce», craint Hélène Tordjman. Cette économiste, secrétaire de l'association Technologos, un groupement de citoyens et de scientifiques technosceptiques, reproche aux transhumanistes de justifier, au nom d'une «vision hygiéniste de la vie», des évolutions potentiellement irréversibles et qui posent de nombreux risques moraux.

Mais la nature n’a pas pour autant perdu tous ses droits. Les généticiens savent bien que le physique comme le caractère d’un être humain dépendent autant de son environnement et de son éducation que de son code génétique. Les évolutions de ce dernier étant particulièrement complexes, on ne sait pas non plus dans quelle mesure ces changements seraient transmis à la descendance. Enfin, s’il paraît dès aujourd’hui possible de modifier un gène responsable à lui seul d’une pathologie, comme la maladie de Huntington ou la mucoviscidose, il sera beaucoup plus compliqué d’influer sur la taille d’un individu, qui dépend de plus de 700 variations génétiques. Mais le résultat est là : des techniques relevant de la science-fiction il y a encore vingt ans sont désormais applicables, quelques années seulement après leur découverte. Et le rythme ne va pas ralentir.