Costume ajusté et visage serein, Cyril Linette attaque la conférence de presse avec l'assurance tranquille de celui qui a bien bossé sa com et a un chiffre choc à balancer d'entrée aux journalistes. «On vient de vivre un très très bel été grâce à l'Euro et aux Jeux olympiques, observe le directeur général du groupe L'Equipe. Globalement, on a fait +30% partout, sur les ventes du journal, les audiences de la télé, les audiences numériques et le chiffre d'affaires publicitaire.» Facile à retenir, mais compliqué à avaler sans moufter. Tentons de vérifier.
Au niveau des revenus, on bloque vite en route. Le groupe détenu par la famille Amaury ne publie pas ses résultats financiers. Côté papier, c'est plus simple. D'après l'ACPM, la «diffusion payée France» du quotidien sportif est passée de 214 000 exemplaires en juin 2015 à 234 000 en juin 2016, soit une augmentation de 9%. Comme on n'a pas encore les chiffres officiels pour juillet et août 2016, on dira qu'il est trop tôt pour crier à la distorsion volontaire de réalité. Sur le numérique, où le média a encore montré sa capacité à innover cet été (voir par exemple le format «La nuit à Rio»), on se rapproche de la hausse annoncée : le site internet de l'Equipe a par exemple reçu 106 millions de visites en juillet, contre 87 millions un an plus tôt selon la même source. Soit une augmentation de 21%.
Sur la télévision en revanche, le patron du média sportif est un peu trop modeste. La part d'audience de L'Equipe 21, disponible sur la TNT gratuite et bientôt rebaptisée L'Equipe tout court, a augmenté sur un an de plus d'un tiers en juin (à 1,1%), de plus de la moitié en juillet (1,1%) et d'un tiers en août (0,8%), selon Médiamétrie. L'ex-chaîne d'information en continu progresse à toute vitesse depuis que Linette l'a repositionnée sur la diffusion d'événements sportifs de second rang – et moins chers à l'achat – comme le biathlon, le volley ou la pétanque. «Nous-mêmes sommes surpris par la rapidité de ce succès», avoue l'ancien directeur des sports de Canal+. A ce rythme, il peut sérieusement envisager d'atteindre les 1,2 ou 1,3% d'audience dès 2017, un seuil au-delà duquel il estime que les recettes publicitaires couvriront les charges de l'antenne. Tant mieux pour L'Equipe 21, dont la perte de 20 millions d'euros en 2015 a provoqué récemment de nombreuses suppressions de postes.
«Passer la cinquième»
Confortée dans cette direction, la chaîne va continuer à retransmettre des compétitions sportives. «On va essayer de passer la cinquième», s'emballe Linette. Enfin, pas trop vite quand même. Vu la situation financière, impossible de faire des folies. En attendant, peut-être, que l'actionnaire accepte de mettre la main à la poche pour foncer, le budget de la chaîne (non dévoilé) reste constant cette année. L'acquisition pour quatre ans des droits du Tour d'Italie (cyclisme), qu'elle proposera dès mai 2017, montre toutefois qu'elle a des ambitions.
Le groupe a également recruté une figure pour incarner ses week-ends. Jalonnés d'événements en tout genre, ils seront animés par Messaoud Benterki, transfuge de Canal+, où il a notamment présenté Jour de foot. L'autre grande nouveauté de la grille est le renforcement de L'Equipe du soir. Mi-plateau d'experts avisés, mi-café du commerce bavard, l'émission-phare de la chaîne cartonne en deuxième partie de soirée grâce à ses décryptages d'après-matches, à propos de rencontres diffusées par les grands concurrents. Elle sera désormais doublée d'une première partie d'une heure à 19 h 45, dont l'ambition sera de vampiriser l'avant-match des Canal+ et BeIn Sports.