Menu
Libération
Flash

Autorisation de signaler la présence de radars : la grande hypocrisie

Ce que vient de dire la Cour de cassation dans un arrêt confirme la relaxe d'un groupe Facebook antiradars et va faire jurisprudence. Il est illégal de «détecter» les dispositifs de contrôle, mais pas de communiquer leur position.
Sur l'A75, près de Lodève (Hérault). (Photo Dominique Faget. AFP)
publié le 7 septembre 2016 à 15h51
«Informer de la localisation de radars n’est pas interdit», à l’inverse de leur détection, punie par la loi. C’est ce que vient de trancher la plus haute juridiction française, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu mardi, confirmant la relaxe générale des membres d’un groupe Facebook antiradars. Une décision qui va faire jurisprudence, selon l’avocat des prévenus.
Le code de la route «ne prohibe pas le fait d’avertir ou d’informer de la localisation d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière», écrit la Cour. Elle ajoute qu’est «uniquement [interdit] l’usage des dispositifs ou produits de nature ou présentés comme étant de nature à déceler la présence ou perturber le fonctionnement d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation».

Sociétés privées

Les juges ont ainsi rejeté le pourvoi qu’avait formé le parquet après la relaxe en appel, il y a un an, de douze membres d’un groupe Facebook aujourd’hui fermé, qui indiquait une carte de la localisation des radars en Aveyron. «Aujourd’hui, on peut clairement affirmer qu’on a le droit de publier la localisation de radars, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un dispositif [comme un détecteur], a réagi Rémy Josseaume, spécialiste parisien du droit routier, qui défendait les prévenus. La jurisprudence est établie. Elle est claire et précise. Cela met fin à une hypocrisie incroyable.» Il évoque d’un côté les nombreux sites, «comme celui du magazine Auto Plus», qui donnent la liste des radars, et de l’autre les membres de cette page Facebook baptisée «le groupe qui te dit où est la police en Aveyron», qui avaient été condamnés, en première instance à Rodez en septembre 2014, à un mois de suspension de permis de conduire.

«C'est une très bonne nouvelle pour les usagers de la route, s'est félicité Mathieu Chané, cofondateur de la page. Le citoyen lambda peut maintenant donner la localisation des radars, tout comme les entreprises privées.» Il fait allusion aux systèmes d'aide à la conduite qui signalent les «zones dangereuses», expression utilisée pour prévenir les automobilistes de la possible présence d'un radar. Le conseil d'Etat a autorisé en 2013 ces boîtiers de «solutions d'aide à la conduite». En revanche, l'utilisation de détecteurs est passible d'une amende de 1 500 euros et d'un retrait de six points sur le permis. Ce qui revient à dire que si l'on a le droit d'informer les automobilistes de la localisation de radars fixes bien visibles ou de la présence de forces de l'ordre exerçant des contrôles sur les routes, il est en revanche interdit de détecter les radars mobiles embarqués à bord de voitures banalisées, dont la gestion sera confiée à des sociétés privées à partir de janvier. Une externalisation des seules constatations d'infraction qui doit permettre d'augmenter la flotte (440 véhicules équipés de flashs infrarouges prévus en 2018, contre 319 en 2015) et surtout de libérer les gendarmes et les policiers de cette tâche, afin de les redéployer sur des missions considérées comme plus prioritaires.

Mortalité

Salué par les associations d'automobilistes, cet avis ne fait cependant pas l'unanimité. A l'instar de la très active Jehanne Collard, avocate des victimes de la route, certains y voient un très mauvais signal au moment où la mortalité routière est repartie à la hausse en France. «Je suis triste de voir la Cour de cassation manquer à ce point d'intelligence et d'habilité, a-t-elle réagi. Certes, le texte du code de la route qui visait les détecteurs de radars n'était pas adapté aux réseaux sociaux. Il n'empêche que chaque jour, des automobilistes, des piétons, des cyclistes meurent parce que d'autres ne respectent pas les limitations. A moment où la vitesse tue plus que jamais sur les routes françaises, je déplore qu'on donne raison aux adversaires de la politique de sécurité routière.»

Selon la Cour des comptes, le produit des amendes forfaitaires issues du contrôle automatique sur les routes a rapporté à l'Etat 789 millions d'euros en 2015, soit une hausse de 7% par rapport à 2014. Un record qui n'a pas empêché la mortalité routière de repartir à la hausse depuis deux ans. 3 464 personnes ont péri sur les routes (+2,4%) en 2015 après une hausse déjà constatée de +3,5% en 2014, qui avait mis fin à douze années de baisse ininterrompue. Et selon les derniers chiffres communiqués par l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), ce chiffre reste en hausse sur les sept premiers mois de l'année 2016, avec une augmentation de 28 tués de plus sur les routes par rapport à la même période l'an dernier.