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Pour la CJUE, un lien hypertexte peut contrevenir au droit d'auteur

Dans un arrêt rendu jeudi, la juridiction européenne estime que renvoyer vers un contenu illicite peut constituer une infraction, en particulier si l'auteur du lien agit dans un but lucratif.

Un clavier d'ordinateur (Photo Loic Venance. AFP)
Publié le 08/09/2016 à 19h09

Un lien hypertexte vers un contenu qui enfreint le droit d'auteur peut-il être lui-même illégal ? Oui, a répondu jeudi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans une affaire mettant en cause l'éditeur néerlandais d'un site d'actu très fréquenté. En 2014, déjà, elle avait estimé qu'un lien hypertexte constituait une «communication au public», au sens de la directive européenne sur le droit d'auteur. Cette fois, elle va plus loin. Renvoyer vers une œuvre mise en ligne sans l'autorisation des ayants droit n'est pas illégal à la condition que l'auteur du lien n'ait pas eu connaissance du caractère illicite du contenu. Or, si l'auteur en question poursuit «un but lucratif», «il y a lieu de considérer que ce placement [de lien hypertexte] est intervenu en pleine connaissance de la nature protégée de ladite œuvre et de l'absence éventuelle d'autorisation».

Autrement dit : si le lien est publié sur un site à but non lucratif, il y a présomption de bonne foi. Sinon, c'est l'inverse : les responsables du site sont présumés avoir vérifié que le lien ne pointait pas vers des contenus illégaux. Sont évidemment concernés les sites de presse, mais pas seulement. «Savoir déterminer ce qui relève d'un but lucratif ou non sur Internet peut s'avérer très compliqué», souligne l'association la Quadrature du Net dans un communiqué. Quid, en effet, des blogs hébergeant une bannière publicitaire ?

Pour l'association, «la CJUE prend la responsabilité avec sa décision de fragiliser une des briques de base du fonctionnement du Web, en créant de fortes sources d'incertitude pour toute personne qui cherchera à établir un lien hypertexte». Les conclusions de l'avocat général de la CJUE, rendues le 7 avril, préconisaient pourtant l'inverse. Celui-ci jugeait alors que si l'œuvre était déjà «potentiellement accessible à l'ensemble des internautes», considérer le lien hypertexte lui-même comme illicite «créerait une importante insécurité juridique au détriment de la liberté d'expression et d'information».