Et voilà «Auntie», comme la surnomment affectueusement les Britanniques, encore dans le collimateur du gouvernement conservateur. La ministre britannique de la Culture et des Médias, Karen Bradley, a ainsi informé la BBC qu'elle devrait désormais, «dans un souci de transparence», dévoiler les rémunérations de ses 109 salariés qui touchent des salaires supérieurs à 150 000 livres par an (environ 176 000 euros). Cette annonce intervient dans le cadre de l'élaboration de la nouvelle Charte Royale de la BBC, une sorte de code de bonne conduite qui régit les obligations et objectifs de la chaîne de service public et qui est renouvelée tous les dix ans. La nouvelle Charte entrera en vigueur en 2017.
En juin, le Premier ministre de l'époque David Cameron avait indiqué qu'il insisterait sur la publication des salaires supérieurs à 450 000 livres annuels. Mais sa successeure, Theresa May, a souhaité abaisser le plafond au-delà duquel les rémunérations doivent être rendus publiques. Cette nouvelle mesure entraînera la publication des salaires des présentateurs d'émissions phares mais aussi de plusieurs journalistes télévision et radio, piliers du service de l'information de la BBC.L e directeur général de la BBC a vivement réagi en affirmant que cette mesure risquait d'handicaper l'entreprise publique dans un environnement très compétitif. «La BBC opère dans un environnement compétitif et cela ne lui rendra pas la tâche facile pour retenir les talents que le public aime», a-t-il dit. Connaissant les salaires des «stars» de la BBC, les chaînes concurrentes pourraient être tentées de les débaucher.
Handicap
Jusqu’à présent, la BBC se contentait de révéler, anonymement, combien de très gros salaires elle payait. Dans son dernier rapport annuel, elle révélait ainsi que 7 de ses «stars» gagnaient de 500 000 livres à 5 millions de livres par an. Soit deux de moins que l’année précédente. Le jeu consistait ensuite à essayer de deviner qui touchait ces salaires gratinés.
Depuis 2007, la vieille dame de 94 ans, mastodonte de 20 000 salariés, de plusieurs dizaines de chaînes de télévision, de radios et de sites internet, est soumise à une rude cure d'amaigrissement, avec des centaines de suppression d'emplois et des coupes rudes dans son fonctionnement. Son financement reste presqu'exclusivement assuré par la redevance publique qui s'élève, depuis avril 2010 et par foyer, quels que soient ses revenus, à 145,50 livres sterling par an (170 euros, contre 137 en France). Soit des revenus d'environ 3,7 milliards de livres par an (4,3 milliards d'euros). « Les télespectateurs qui s'acquittent de la redevance ont le droit de savoir où est employé leur argent. En rendant la BBC plus transparente, il sera plus facile de faire des économies pour les investir dans des programmes encore meilleurs », a déclaré une source gouvernementale.
Grand écart
Dans un environnement médiatique de plus en plus difficile et concurrentiel, la BBC joue au grand écart entre une offre de qualité - qui a construit sa réputation mondiale – et des programmes plus divertissants, pour garder une audience élevée. Mais ces derniers programmes coûtent cher, et, s’ils se développent souvent sur la BBC qui joue un rôle d’incubateur, ils atterrissent souvent chez la concurrence, dotée de plus de moyens.
La BBC vient ainsi de subir un grave traumatisme avec le rachat par Channel Four de The Best British Bake off, un concours du meilleur pâtissier, devenu en quelques années l'un de ses programmes les plus regardés. Les trois premiers épisodes de la série en cours ont recueilli une moyenne de 10 millions de télespectateurs. Channel Four a proposé à Love Production, la société de production de l'émission, un contrat de trois ans à 25 millions de livres par an (29 millions d'euros), soit quatre fois plus que ce qu'offrait la BBC.