Depuis que la sonde américaine New Horizons a survolé Pluton en juillet 2015, les planétologues s'en donnent à cœur joie dans l'étude de ses observations et mesures. Au fil des mois, on comprend de mieux en mieux le système plutonien et ses nombreux mystères sont résolus. Ainsi, on sait maintenant pourquoi le pôle Nord de Charon, la grosse lune de Pluton, est plus rouge et plus sombre que le reste : le «Mordor» (oui, c'est vraiment son nom) est aspergé d'atmosphère plutonienne qui gèle et dépose des hydrocarbures. L'article a été publié ce mercredi dans Nature.
«Qui aurait pensé que Pluton était un peintre graffeur, qui colore son compagnon de rouge sombre à l'aérosol ?», résume Will Grundy, l'un des astronomes américains qui signent l'étude. Pour émettre des hypothèses sur cette couleur, ils ont pris en compte les températures extrêmes du Mordor : au cours de sa révolution autour du Soleil (248 ans), la région alterne entre des périodes ensoleillées et ombragées durant un siècle chacune. Le temps de refroidir jusqu'à -257° C quand le pôle Nord tourne le dos au Soleil… Et à cette température, le méthane gèle et passe à l'état solide.
Le méthane, justement, il y en a un peu dans l'atmosphère de Pluton, qui fluctue beaucoup. Non seulement l'atmosphère tombe au sol ou se sublime à nouveau selon la distance de Pluton au Soleil, mais en plus, elle est continuellement soufflée par le vent solaire et s'échappe au rythme de 500 tonnes par heure. Une partie de cette atmosphère passe devant Charon, «rebondit sur sa surface jusqu'à s'échapper dans l'espace, ou bien atterrir sur le pôle Nord où elle gèle et devient solide, explique Grundy. Les molécules de méthane forment une fine pellicule de glace de méthane qui reste en place jusqu'au retour du Soleil au printemps.» Mais quand vient la saison de l'évaporation, les radiations ultraviolettes du Soleil transforment une partie du méthane en hydrocarbures (des molécules de carbone et d'hydrogène) plus lourds, qui restent au sol, puis en composés organiques rougeâtres appelés tholins.
L'étude affirme que le même phénomène se produit au pôle sud de Charon, plus difficile à étudier car il était dans l'ombre quand New Horizons est passé, et suggère que de tels «transferts atmosphériques» pourraient se produire sur d'autres petits astres de la ceinture de Kuiper, au fin fond du système solaire.