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Les victimes du dieselgate s'unissent contre Volkswagen

Un an après le scandale, acheteurs et investisseurs s'organisent contre le géant automobile allemand. Alors que les demandes d'indemnisation pleuvent en Allemagne, une association débute une tournée française pour rencontrer les acheteurs lésés.
Le pot d'échappement d'une Volkswagen. (Photo Mal Langsdon. Reuters)
publié le 21 septembre 2016 à 18h13

Le 18 septembre 2015, le scandale Volkswagen éclatait au grand jour. Les autorités américaines accusaient le géant automobile allemand aux douze marques (Seat, Audi, Skoda, Porsche…) de faire passer 11 millions de ses véhicules pour moins polluantes qu’ils n’étaient, lors des tests de contrôle, grâce à un logiciel de fraude. Un an plus tard, peu de démarches en justice ont abouti.

Un Espagnol mène la fronde en France

Francisco Garcia Rafanel, président de l'association de consommateur espagnole APDEF, a décidé d'y remédier. Déjà connu en Espagne pour avoir engagé près de 6000 procédures contre les banques après l'affaire des subprimes et les scandales immobiliers, il travaille sur le dossier Volkswagen depuis six mois. Aujourd'hui, il lance un défi en Europe : réunir les victimes du Dieselgate pour lancer une action collective devant les tribunaux civils. Aidé par le cabinet d'avocats américain Michael Hausfeld, il s'installe en France, à Toulouse. «Les Etats-Unis ne sont pas sur une autre planète. Mais, là-bas, Volkswagen s'est engagé à indemniser chaque victime à hauteur de 5 000 dollars. Alors qu'en Europe, ils n'ont rien fait», regrette-t-il. Huit millions de véhicules sont pourtant concernés sur le Vieux Continent, dont près de 900 000 en France et 3 millions en Allemagne. «On ne veut pas les faire tomber mais ils doivent faire un geste pour les gens.»

C'est pour cela qu'il tente de fédérer les victimes européennes et de sortir les Français de leur «passivité». «On a le droit de demander une indemnité puisque les dommages sont assumés par Volkswagen», martèle-t-il. Lors de sa première réunion publique le 2 juin, à Toulouse, il a convaincu une trentaine de personnes. Dans les semaines qui viennent, il organise une véritable tournée en France, à Lille, Nantes, Bordeaux, Lyon, Marseille, Strasbourg, pour trouver les quelque 2000 personnes nécessaires pour engager une action en justice. «Nous irons aussi en Italie, au Portugal, en Pologne, en Slovaquie, en Albanie.» En Espagne, un millier de personnes sont déjà en contact avec lui.

S'il est nécessaire de réunir autant de victimes, c'est parce qu'en France notamment, «la justice coûte cher, et les démarches sont longues et difficiles», explique-t-il. Il n'y a qu'ensemble que les plaignants pourraient payer un expert capable de calculer le «quantum», le coût de réparation et la perte de valeur de la voiture depuis septembre 2015. Et s'ils ne parviennent pas à conduire leur action devant la justice française, qui autorise depuis peu les actions collectives de consommateurs, ils iront «peut-être directement en justice en Allemagne». Pour le moment, ils discutent avec des avocats français pour envisager les différentes possibilités.

Si les démarches sont difficiles à organiser, en raison des différentes législations européennes, Francisco Garcia Rafanel n'en démord pas : il trouvera une solution. D'autant plus qu'il est «presque sûr de gagner sur la question du préjudice moral», insiste-t-il, avant d'expliquer le malaise ressenti par les acheteurs qui polluent mais ne peuvent se passer de la voiture. Ce que veut l'association, c'est une compensation financière, pas que les véhicules soient réparés par le constructeur. «Même si les pièces sont remplacées, la combustion est plus longue, la voiture consomme plus», argumente Francisco Garcia Rafanel. Sans compter que le lien de confiance entre victimes et constructeur est rompu.

Pour le moment, aucune somme n'est convenue et l'avocat français n'a pas encore été choisi. «On avisera. L'enjeu est complexe. Il faut d'abord que nous voyons combien de personnes seraient intéressées en France», prévient-il.

1400 plaintes en Allemagne

Les investisseurs lésés, eux aussi, s’organisent collectivement. Quelque 1400 plaintes ont été déposées au tribunal de Brunswick, en Basse-Saxe, en Allemagne, pour réclamer 8,2 milliards d’euros à Volkswagen. Rien que lundi, 750 nouvelles plaintes lui seraient parvenues. Cause de cette précipitation de la part des investisseurs : la peur qu’un éventuel délai de prescription empêche les demandes d’indemnisation d’aboutir.

Parmi les plaignants, on retrouve des investisseurs institutionnels, des banques, des sociétés d’assurance, qui réclament 2 millions d’euros; les Etats-Unis qui en demandent 30 millions et les Länders de Bavière, Bade-Wurtemberg et Hesse, entre 700 000 et 4 millions d’euros. Mais ce sont surtout les investisseurs privés qui se sont réunis. L’américain Blackrock, le plus grand gestionnaire d’actifs du monde, s’est par exemple allié à une centaine d’autres investisseurs dans une même plainte pour exiger 1,5 milliard d’euros.

Ils reprochent au géant européen d'avoir trop tardé à communiquer, et d'être responsable de la chute de l'action. Volkswagen nie pourtant, affirmant qu'il «continue de penser qu'il a entièrement rempli ses devoirs de communication envers les marchés financiers et que ces réclamations sont sans fondement», selon un porte-parole interrogé par l'AFP.

Toutes ces démarches ont-elles une chance d'aboutir ? Pour Franck Schwope, analyste de la banque Nord/LB, interrogé par l'AFP, les démarches des investisseurs font «mauvaise presse à Volkswagen», mais il ne pense pas «que le groupe devra verser 8,2 milliards d'euros. Il est difficile en Allemagne de prouver un dommage de ce type et d'obtenir gain de cause.» Le tribunal de Stuttgart a lui aussi reçu des demandes de réparation, contre Porsche.