Nul besoin d’aller jusqu’à l’archipel des Kiribati et aux îles du Pacifique pour dénicher des espaces en voie de disparition. Sur les côtes françaises, certains territoires sont eux aussi menacés d’être rayés de la carte par les changements climatiques. Sur les littoraux, ceux-là ne se matérialisent pas seulement par une élévation du niveau moyen de la mer, mais aussi par une augmentation de la force et de la fréquence des tempêtes. Ces épisodes tempétueux entraînent localement des processus érosifs irréversibles et des vagues de submersion provoquées par une combinaison entre une marée haute, une surcote (surélévation exceptionnelle et temporaire du niveau de la mer) et une forte houle. En 2008, 2010, 2012, 2014 : la cadence des tempêtes croît dans l’ouest français. En arpentant les côtes bretonnes, à Plougrescant, Trégastel, sur l’île de Sein ou sur certaines portions du littoral morbihanais, on ne compte plus les bouts de falaises arrachés, les dunes qui reculent, les enrochements qui se multiplient pour se protéger de la mer.
«Acharnement»
Quels sont les moyens financiers pour lutter contre les vagues de tempêtes ? La gestion des risques de submersion et d'érosion repose surtout sur des élus locaux dont les budgets sont de plus en plus serrés. Des réflexions spécifiques sont à mener en termes d'aménagements côtiers, mais aucun dispositif technique de gestion du risque n'a pourtant définitivement convaincu : les enrochements sont à consolider périodiquement, les sacs de sable posés à l'aplomb des dunes ne font pas le poids face à la force des vagues, etc. Et ils sont nombreux, dans les communes, à refuser de se livrer à un «acharnement thérapeutique» pour sauver leurs côtes.
«Zéro»
Face au spectre de la disparition de portions du littoral et au danger qu'encourent les populations locales, une des réponses scientifique et politique est de chercher à développer une «culture du risque». On se rappellera ainsi des propos de l'ex-ministre de l'Environnement Corinne Lepage qui, quelques mois après la tempête Xynthia, critiquait une France dotée d'une «culture du risque proche de zéro» et militait pour une éducation citoyenne face au risque. Trop souvent, cette expression est utilisée pour en souligner les carences et les défaillances, ce qui revient à nier toute capacité des populations à faire face, localement, au risque. Trop souvent aussi, l'idée d'inculquer cette culture cache une volonté de déployer des méthodes de gestion uniformisées sur tous les territoires (plans de prévention des risques, plans communaux de sauvegarde…), sans tenir compte des cultures locales parfois extrêmement fortes. L'île de Sein, à la pointe du Finistère, qui n'émerge en moyenne que d'un seul mètre au-dessus des flots, fait figure de territoire en sursis. Sur l'île toutefois, les aléas marins ont depuis toujours conditionné les modes de construire, d'habiter, de réagir. Il serait préférable de penser cette culture du risque à l'échelle locale : toute tentative de l'imposer à un échelon supérieur relève d'une généralisation inopérante pour des situations particulières.