Le prix Nobel de chimie 2016, attribué mercredi, a récompensé trois chercheurs, dont un Français, pour leurs travaux sur la «conception et synthèse de machines moléculaires». Un exploit technique plein de promesses et riche en applications potentielles. Les vainqueurs sont Jean-Pierre Sauvage, chimiste français enseignant à l’université de Strasbourg, James Fraser Stoddart, chercheur écossais désormais installé aux Etats-Unis, et Bernard Feringa, chimiste néerlandais.
Jean-Pierre Sauvage a posé les premières pierres en 1983, en imbriquant deux molécules circulaires pour former une chaîne, appelée caténane. Ce n’est pas une structure naturelle, car les molécules préfèrent d’habitude se coller entre elles, et il faut forcer sa création en laboratoire.
La deuxième étape de l’histoire des nanomachines est arrivée en 1991, quand James Fraser Stoddart a fabriqué un rotaxane, petit mécanisme composé d’une roue pouvant se déplacer le long d’un axe. C’est la base d’un long travail qui lui permet aujourd’hui de fabriquer des nano-ascenseurs fonctionnels, avec une molécule qui monte et qui descend d’un «étage» à l’autre sur commande. Dans une autre catégorie de mouvements, Jean-Pierre Sauvage a aussi imité à l’échelle du nanomètre l’extension et la contraction des muscles.
Quant à Bernard Feringa, il est «la première personne à avoir développé un moteur moléculaire» en 1999, sous la forme d'un axe moléculaire capable de tourner continuellement dans la même direction… Ce moteur est désormais assez puissant pour sa taille : Feringa a fait tourner un cylindre de verre 10 000 fois plus gros que le nano-moteur…
Ces machines auront nombre d'applications en médecine, expliquait ce matin Feringa, joint par téléphone lors de la cérémonie du Nobel : «Imaginez des minuscules robots que les médecins du futur pourront injecter dans nos veines, et qui partiront à la recherche d'une cellule cancéreuse…» Les moteurs moléculaires en sont «au même stade que les moteurs électriques dans les années 1830, estime l'Académie. Les scientifiques bricolaient des manivelles et des roues, sans s'imaginer que ça nous mènerait aux trains électriques, aux machines à laver, aux ventilateurs et aux robots de cuisine.»