Facebook se mêle de tout, et de plus en plus. C'est sur Facebook que Cécile Duflot vient de dire toute sa déception d'avoir été éliminée dès le premier tour de la primaire écologique (lire ci-dessus). C'est grâce aux traces laissées sur Facebook que la police américaine surveille des manifestations du mouvement Black Lives Matter et piste leurs participants. C'est toujours par Facebook que l'on peut désormais se faire livrer un repas à domicile via la page d'un restaurant ou réserver une place pour un concert en consultant celle de son groupe préféré. Et c'est enfin sur Messenger, une des deux messageries instantanées de Facebook (avec WhatsApp), qu'a été mis au point un outil permettant à un robot de suggérer des sujets de discussions à ses utilisateurs afin de les retenir toujours plus.
Tous ces sujets sont sans rapport apparent. Mais ils constituent un florilège exemplaire de l'actualité de Facebook pour cette seule semaine. Et surtout, ils ne font qu'illustrer l'extrême diversité des usages que l'on peut faire de l'univers en extension permanente de ce réseau né plusieurs années après le début du XXIe siècle et qui vient de passer la barre de 1,7 milliard d'inscrits dans le monde.
Qu'il paraît déjà loin le temps où ce projet a priori des plus futiles - l'idée initiale était de réaliser un trombinoscope des plus jolies étudiantes de Harvard - était synonyme de photos de vacances partagées et de pouce levés. De réseau social centré autour de l'intime et de ses publications très personnelles, Facebook est devenu le média global par excellence. Jamais sans doute une entreprise privée n'a accumulé autant de données sur autant de monde et jamais elle n'a rendu son public aussi captif en en faisant à la fois «son produit mais aussi son producteur», comme l'expliquait récemment le philosophe Bernard Stiegler dans un entretien à l'hebdomadaire le 1.
Premier diffuseur d’informations de la planète, première messagerie instantanée pour échanger entre particuliers et demain avec des entreprises, premier réseau mobile, Facebook est devenu un continent du Web à lui tout seul. Sauf que c’est lui qui, grâce à ses algorithmes, fait le tri et choisit de plus en plus ce que nous percevons du monde. A l’ère de la profusion instantanée, Facebook ambitionne de devenir l’interface universelle de nos vies, le filtre unique qui décide de tout. Si on le suit jusqu’au bout, notre libre arbitre risque d’en prendre un sacré coup.