Fin de partie pour la surveillance sans garde-fou des communications sans fil… Vendredi, le Conseil constitutionnel a rendu son verdict. Il est sans appel : oui, l'article L.811-5 du code de la sécurité intérieure, qui exonère de tout encadrement et de tout contrôle la surveillance pour la «défense des intérêts nationaux» des «transmissions empruntant la voie hertzienne», est bel et bien «contraire à la Constitution». Une victoire pour les trois associations - la Quadrature du Net, French Data Network (un fournisseur d'accès à Internet, FAI) et la Fédération des FAI associatifs - qui combattaient cette largesse faite aux espions français dans la première loi sur les écoutes, en 1991, et discrètement reconduite l'an dernier dans la loi sur le renseignement.
Périmètre. A l'origine, cette disposition très particulière visait à laisser les coudées franches au renseignement extérieur français en matière d'interceptions satellitaires. Mais avec le développement des communications sans fil de proximité, le périmètre potentiel de la «voie hertzienne» s'est amplement étendu : techniquement, la formule peut recouvrir ce qui transite entre un téléphone portable et une antenne relais, un ordinateur et une borne wi-fi, un opérateur internet et un satellite… Sans compter que cette «exception hertzienne» a eu le dos très large : en 2010, c'est sur cette base que le renseignement intérieur avait obtenu les factures téléphoniques d'un journaliste du Monde, une affaire sanctionnée depuis par la justice.
Lors de l'audience devant les «sages», le 11 octobre, l'avocat des associations, Me Patrice Spinosi, avait fait valoir que «plusieurs milliards de données» étaient «susceptibles d'être concernées». Le gouvernement, lui, avançait que l'article avait une «portée résiduelle» et ne visait qu'une surveillance aléatoire et non ciblée : pour l'essentiel, l'activité des «capteurs hertziens des armées», ou les mesures de «police des ondes» contre les piratages de fréquences. Problème : rien de tout cela n'est dans le texte. Rien non plus sur les conditions de traitement des données collectées (la durée de conservation, par exemple), ni sur un quelconque contrôle par le gendarme des écoutes.
Délai.Pour le Conseil constitutionnel, «aucune garantie» n'entoure cette surveillance, et l'article L.811-5 porte «une atteinte manifestement disproportionnée» à la vie privée. Les «sages» accordent cependant un lot de consolation à l'exécutif : leur censure ne prendra effet qu'au 31 décembre 2017, le temps de dégainer un nouveau texte. Mais ce délai de grâce est assorti d'une «réserve d'interprétation», qui a force de loi : les mesures de surveillance hertzienne ne sauraient servir à surveiller individuellement des Français, et le gendarme des écoutes devra en être «régulièrement informé». Pour Me Spinosi, cette décision est une «vraie victoire pour les défenseurs des libertés numériques». Quant au gouvernement, il indique qu'il utilisera le délai accordé «pour proposer au Parlement les précisions légales demandées». Fini, la zone grise.