Le rapport de Proxinvest sur les rémunérations des dirigeants des grandes entreprises françaises arrive à point nommé : il sort alors que le débat sur la fiscalité des actions gratuites vient d'opposer le gouvernement à sa majorité en première lecture du budget à l'Assemblée nationale, et promet un match retour animé dans quelques semaines. Interrogé dans les Echos de lundi sur ce dispositif que les députés viennent de durcir en revenant sur des dispositions de la loi Macron d'août 2015, le ministre de l'Economie, Michel Sapin, a mis les points sur les i. «Il serait souhaitable que la majorité réfléchisse à nouveau et revienne sur ce point en deuxième lecture, dans un souci de stabilité fiscale, a-t-il déclaré. Vouloir changer une règle alors qu'elle vient d'entrer en application n'est pas un bon signal.» En pleine bataille avec Francfort, Dublin ou encore Amsterdam pour attirer les investisseurs refroidis par le Brexit, le gouvernement s'inquiète pour l'attractivité de l'Hexagone.
Start-up
Lors du premier débat, la majorité emmenée par la rapporteure socialiste Valérie Rabault avait mis en avant l’effet d’aubaine fiscale pour les grands groupes. De fait, l’étude de Proxinvest a confirmé que les patrons du CAC 40 ont abusé de ces actions gratuites, dont la distribution a augmenté de 57 % en 2015, alors que la loi Macron n’a pas encore donné toute sa mesure en année pleine.
Interrogée par Libération, Valérie Rabault persiste. «L'allégement est maintenu pour les PME dont les dirigeants prennent des risques personnels en rejoignant des start-up, mais ce n'est absolument pas le cas dans les grands groupes pour lesquels ce régime dérogatoire ne se justifie pas, explique-t-elle. La France, ce ne sont pas que les grands groupes de La Défense et ces derniers ne sont ni plus ni moins pénalisés. Ils sont au régime normal.»
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Dans son interview aux Echos, Sapin reconnaît qu'il y a des «abus sur les actions gratuites» et ajoute qu'il a proposé «des mesures pour les empêcher». Mais il insiste sur leur importance pour les start-up, dont c'est «le principal moyen de rémunérer les talents à leur juste valeur». Un discours reçu cinq sur cinq par l'investisseur Jean-David Chamboredon, ancien leader des «pigeons», remonté au front depuis le vote. «Le problème, explique-t-il, c'est qu'à partir de 250 personnes, les PME ne bénéficient plus de cet allégement et cela concerne pas mal d'entreprises de croissance comme Criteo ou Blablacar, qui se retrouvent pénalisées par cet amendement. Ça donne l'idée qu'elles sont punies d'avoir trop grossi.»
Conditions
D'où sa proposition que ces entreprises de taille intermédiaire (5 000 ETI en France) puissent bénéficier du même régime allégé que les PME. Pour les grands groupes, dont Chamboredon reconnaît que les actions gratuites «ne sont pas l'outil le plus approprié pour motiver les patrons du CAC 40», il suggère que les conditions de performance liées à leur attribution soient clairement «explicitées» lors de la consultation des assemblées générales sur la rémunération des patrons. «Sinon, conclut-il, c'est de la rémunération déguisée.» Un dispositif en réalité très proche de celui de la loi Sapin II qui vient d'être adoptée par le Parlement. Il prévoit que le vote des actionnaires sur la rémunération des dirigeants devienne non plus consultatif mais contraignant à partir de 2017. «On reste ouvert à des évolutions sur les ETI pour lesquelles on attend des données précises, conclut Valérie Rabault, mais à ce stade on maintient notre position.»