Il n’y a pas un nuage dans le ciel bleu. On roule sur la voie rapide, passant sous un enchevêtrement de voies suspendues comme seuls les Etats-Unis savent en faire. A gauche, à droite, des palmiers ; au loin, la skyline de Houston (Texas). Et au volant de la décapotable qu’il conduit d’une seule main, lunettes de soleil vissées sur le nez, Thomas Pesquet. La scène d’ouverture est presque too much, mais hey, ce mec n’est-il réellement pas l’incarnation de la classe ? Brillant, sympa, jeune, modeste, beau gosse, et puis… «Profession astronaute», comme le résume bien le titre du documentaire. On peut pas test. Par contre, on peut se coller devant Arte ce mardi à 20h50 pour se mettre un peu dans la peau du dixième astronaute français de l’histoire et baver d’envie.
Pesquet décollera jeudi soir pour la Station spatiale internationale (ISS) à bord d'une fusée Soyouz. Ça doit faire bizarre de cocher enfin la case «J-2» dans son petit compte à rebours, quand on a reçu son affectation spatiale il y a plus de deux ans et demi et commencé son entraînement d'astronaute il y a sept ans. Le film de Vincent Perazio et Alain Tixier nous fait vivre ces derniers mois, entre la Cité des étoiles à Moscou, le centre des astronautes européens à Cologne et celui des Américains au Texas.
Thomas Pesquet dans les grottes italiennes pour le programme Esa Caves. Photo Arte
Forêt sibérienne et grotte en Sardaigne
On y retrouve les images désormais classiques des astronautes plongeant dans l'immense piscine de la Nasa pour simuler une «sortie extra-véhiculaire» : l'environnement aquatique reproduit correctement l'apesanteur et nos apprentis voyageurs de l'espace apprennent à y bidouiller la maquette grandeur nature de l'ISS avec leurs gros gants rigides. Il y a la traditionnelle mission de survie dans la forêt sibérienne, pour apprendre à attendre les secours dans un froid mordant si la capsule Soyouz n'atterrit pas au lieu prévu.
Et puis il y a cette nouvelle épreuve inventée par l'Agence spatiale européenne, Esa Caves, qui les envoie une semaine dans des grottes en Sardaigne pour simuler les efforts physiques, l'enfermement, la privation de lumière naturelle et de sons. Il faut garder le moral ; les liens se resserrent, les astronautes y développent une culture d'équipe. Et nous, on voit travailler ensemble la fine équipe de l'Expédition 50, composée du newbie Pesquet et des vétérans, le russe Oleg Novitski (dont ce sera le deuxième vol) et l'américaine Peggy Whitson (troisième vol).
Simulation d’incendie dans la station spatiale. Photo Arte
Propulsion et freinage par radio en cyrillique
«On a abandonné derrière nous la station spatiale en feu, on s'est précipités dans notre Soyuz pour au moins nous sauver nous-mêmes. Et pendant que la station brûle, on fait une rentrée simultanée des deux Soyuz vers la Terre», raconte un Pesquet en sueur, tout juste sorti d'un énième scénario catastrophe dans les simulateurs de la Cité des étoiles. Comme d'habitude, l'équipe trinationale s'en est bien sortie. Il y a plutôt intérêt, car les Russes leur font passer un examen final semi-public, noté comme à l'école. Les Etats-Unis, eux, sont apparemment branchés contrôle continu.
Mais tous les jours ne sont pas dignes d'un space opera. L'intérêt du documentaire d'Arte, outre ses précieuses recontextualisations historiques, est de suivre Thomas Pesquet jusque dans ses apprentissages les plus théoriques et ses préparations les plus anecdotiques. On l'observe réviser ses déclinaisons russes avec une professeure particulière – et il ne s'agit pas de savoir dire «Thomas va à la plage avec ses amis», mais de causer propulsion et freinage par radio avec les ingénieurs de Roscosmos (l'agence spatiale russe) et comprendre les manuels de pilotage du Soyouz de 500 pages écrits intégralement en cyrillique.
Révisions théoriques… Photo Arte
Effilés en gelée pour chat
Heureusement qu’il y a la «Food for extreme pleasure» au dîner pour se détendre un peu… A voir notre astronaute ouvrir ces boîtes de conserve et faire glisser leur contenu dans son assiette avec un bruit mouillé – ça ressemble vraiment à des effilés en gelée pour chat –, on a presque eu pitié. Mais attention, c’est du canard confit d’Alain Ducasse spécialement conçu pour les jours de fête, et Pesquet a l’air sincère quand il s’écrie qu’en fait, c’est très bon. Son alimentation à chaque repas est surveillée au gramme près : l’Esa prépare déjà les voyages spatiaux plus lointains, où l’on ne pourra pas se permettre d’emporter des kilos de nourriture en rab comme sur l’ISS. «On ne peut pas s’embarrasser de cette masse supplémentaire pour aller sur Mars», explique Thomas Pesquet à la caméra. On touche là au cœur de ce qui caractérise cette nouvelle génération d’astronautes dont fait partie le jeune Français : «Pour la première fois, l’Agence spatiale européenne recherchait des astronautes qui, au cours de leur carrière, pourraient effectuer des missions planétaires.»