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Fermeture des voies sur berge à Paris: un peu le bazar (pour le moment)

Après un premier rapport à la mi-octobre, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme vient de publier à la demande de la région une deuxième étude sur l'impact de la piétonnisation des voies sur berges sur le trafic.
Un dimanche de 2003, les piétons profitent des voies au bord de la Seine. (Photo Jean-Pierre Muller. AFP)
publié le 17 novembre 2016 à 17h02

Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, est radicalement opposée à la fermeture de 3,3 kilomètres de voies express sur la rive droite de Paris, décidée par la ville de Paris et surtout, par sa maire Anne Hidalgo. Après avoir commandé début octobre une première étude à l'institut d'urbanisme de la région, l'IAU, la présidente en a réclamé une seconde un mois plus tard. Cette fois, le périmètre d'étude a été élargi «jusqu'à la périphérie de Paris» et porte sur «145 km de voies potentiellement impactées, contre 14 km seulement dans le premier rapport», lit-on dans l'étude. Autre nouveauté: ont été intégrées des données concernant 25 lignes de bus «contre 5 lignes dans le précédent rapport».

Qu'en sort-il? Une image globale un peu complexe. «Sans imputer l'ensemble des phénomènes observés à la seule fermeture des voies sur berges, il apparaît qu'une perturbation importante de l'équilibre dans la répartition des flux automobiles a eu lieu dans Paris entre septembre 2015 et septembre 2016», résume l'étude. Notamment «une croissance des temps de parcours et des débits de trafic sur une aire nettement plus large que le cœur de Paris» avec un impact plus net au sud‐ouest qu'au sud-est. Et des différences entre l'heure de pointe du matin, moins impactée, que celle du soir. Quant à savoir si la décision de fermeture, en augmentant le trafic sur certaines voies, augmente aussi la pollution, il faudra attendre. Airparif a mis en place «une campagne de mesures spécifiques mi-octobre 2016 pour une durée d'un mois» et les résultats seront «disponibles en mars 2017».

Globalement, après avoir analysé «66 axes parisiens lors des jours les plus chargés», l'IAU arrive aux conclusions suivantes: «Les rues à proximité des voies sur berges ont connu des augmentations de trafic particulièrement fortes : +51 % par jour sur les quais hauts à l'approche de la place du Châtelet et +21 % par jour sur le boulevard Saint‐Germain au niveau des thermes de Cluny.» Réparties sur la journée, les observations relèvent à l'heure de pointe du matin «une hausse de trafic de 58% sur les quais hauts au niveau du Louvre et une hausse située entre 27% et 35% sur le boulevard Saint‐Germain selon la section d'ouest en est».

Ces pourcentages, qui paraissent considérables, représentent des allongements des durées de trajet de quelques minutes. «Les quais hauts, entre Les Tuileries et le boulevard Bourdon, connaissent l'allongement du temps de parcours le plus sensible : en septembre 2016 il fallait 8,5 minutes de plus en période de pointe du soir, soit une augmentation de 74 %[…] par rapport à la même période en 2015».

Reste que tous les véhicules qui empruntaient la voie express ne se repartissent pas forcément dans les environs immédiats. «La part de trafic non absorbée par les quais hauts et le boulevard Saint‐Germain se distribue sur le reste du réseau et, pour ce qui concerne les heures de pointe, sur d'autres plages horaires, écrit l'institut. En rive gauche, les riverains de la rue de la Convention ou du boulevard de l'Hôpital sont ainsi exposés à plus de 25 % de trafic routier supplémentaire par jour.»

Impact minime sur les bus

Le boulevard périphérique semble lui aussi enregistrer des effets: «A l'ouest, le boulevard périphérique, l'autoroute A13 et certains axes départementaux peuvent enregistrer des hausses significatives : il faut par exemple 4,5 minutes supplémentaires pour aller de la porte de Saint‐Cloud à la porte d'Orléans sur le périphérique. Au sud‐est, les usagers de l'A86, de l'A4 ou de la RD19 à Ivry connaissent également des temps de parcours allongés, en particulier à l'heure de pointe du soir». Mais là encore, rien n'est sûr: «Une analyse des tendances sur plusieurs mois permettra de confirmer ou d'infirmer ces premiers résultats.» Ils peuvent effet «être soumis à des facteurs externes à la piétonnisation des voies sur berges». Et pour compliquer le tableau «certains secteurs en aval des bouchons, notamment dans l'Est parisien, bénéficient de conditions de circulation plus fluides et donc de temps de parcours réduits». Sur les bus, l'impact se révèle minime: «Les temps de parcours des bus s'allongent de plus d'une minute le matin et jusqu'à 3 minutes à l'heure de pointe du soir».

Ainsi, alors que le trafic dans Paris intra‐muros enregistrait depuis 15 ans une baisse tendancielle de l'ordre de ‐2 % à ‐4 % par an, il semblerait que cette évolution ne soit plus constatée sur les axes analysés pour le mois de septembre. Ce point devra néanmoins être vérifié sur plusieurs mois avant d'aboutir à une conclusion ferme. Rappelant que «le trafic journalier à l'entrée du tunnel des Tuileries des voies sur berges était de 42 900 véhicules par jour en septembre 2015», l'Institut précise prudemment qu'il faudra «l'observation des flux de trafic sur plusieurs mois» pour savoir si la baisse du trafic sur Paris se confirme.

La publication de cette étude a ulcéré la ville de Paris. Pour Christophe Najdovski, adjoint aux transports, «il n'existe aujourd'hui qu'un seul comité de suivi officiel et impartial, mis en place par la Préfecture de Police. Celui-ci a confirmé ces derniers jours la véracité des chiffres de trafic publiés par la Ville de Paris début octobre». Dans un communiqué, il souligne que «dans une ordonnance prise mardi, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a quant à lui confirmé la pertinence de l'étude d'impact conduite par la Ville de Paris».

Ceux qui veulent se faire un avis par eux-mêmes peuvent aller lire le rapport sur le site de l'IAU.