La shigellose est une maladie diarrhéique redoutée des voyageurs en zone tropicale. Assez bénigne pour ces derniers, elle tue pourtant plus d’un million de personnes chaque année. Or, les bactéries responsables sont devenues au fil du temps résistantes à la plupart des antibiotiques de première ligne, ne laissant aux pays pauvres que le choix entre un traitement hors de prix ou… rien.
Les bactéries shigelles étaient donc des candidates toutes trouvées pour expérimenter une nouvelle forme d’antibiotique naturel et ouvrir la voie à un traitement à moindre coût. L’idée est simple, mais peu exploitée aux dires de ses promoteurs : exposer les shigelles à une autre bactérie prédatrice.
Des chercheurs de l’université de Nottingham et de l’Imperial College de Londres ont donc injecté une dose mortelle de Shigella flexneri (une espèce virulente) à des larves de poisson-zèbre, l’équivalent aquatique des souris de laboratoire. Ils leur ont ensuite injecté une autre bactérie, la Bdellovibrio, qui a pour faculté de parasiter et de tuer le type de bactérie auquel appartient Shigella flexneri (bactéries dites à «Gram négatif»).
Sans effet secondaire
L'étude publiée dans la revue Current Biology révèle que les résultats se sont montrés à la hauteur des attentes : non contente de tuer les shigelles, Bdellovibrio disparaît naturellement de l'organisme sans effet secondaire observable. Mieux, les chercheurs ont découvert une association naturelle entre Bdellovibrio et le système immunitaire : les lambeaux de membrane cellulaire de shigelles mises en charpie par leur prédateur stimulent les globules blancs du poisson infecté, améliorant ainsi la lutte contre l'infection et le taux de survie.
De précédentes recherches ont déjà montré l’efficacité de cette technique à réduire le nombre de bactéries dans l’estomac des poulets, lorsque la bactérie prédatrice est administrée par voie orale, ou à soigner les infections oculaires chez les bovins lorsqu’elle est appliquée localement.
Maladies nosocomiales
Cette piste pourrait ouvrir la voie à des traitements ciblés – Escherichia Coli et certains responsables de maladies nosocomiales sont aussi dits à Gram négatif – sans effet secondaire et parfaitement naturels. En milieu hospitalier, on pourrait traiter les personnes immunodéficientes (qui n’ont plus de défenses immunitaires) sans craindre de détériorer leur organisme fragile.
En attendant les tests sur l’homme, c’est sur le volet administratif que la France va devoir plancher. En effet, les bactéries ne cessent d’évoluer et de s’adapter les unes aux autres, ce qui oblige à constamment modifier les traitements. En France, cette «médecine sur mesures», complexe, impliquera certainement de revoir les mécanismes d’autorisation de mise sur le marché auprès des autorités sanitaires.