On le voit tweeter à 14h28, ou 23h30, ou 20h16, et plus rarement le matin, même s’il a déjà posté une photo à 11h35 pour partager ses premiers virages en apesanteur… Bref, il semble vivre au même rythme que la France. Mais quelle heure est-il à la montre de Thomas Pesquet, là-haut dans la Station spatiale internationale ?
Temps universel
Les astronautes utilisent tout simplement le temps universel coordonné, abrégé en «UTC» quand on donne l'heure. C'est le fuseau zéro que l'on appelle aussi temps moyen de Greenwich (GMT), même si les deux systèmes diffèrent pour les mesures précises car ils sont calculés différemment (une histoire de rotation terrestre et d'horloges atomiques). Bref, l'ISS vit à l'heure de Londres. Si ça ne tenait qu'aux Russes, ils auraient bien branché leurs cosmonautes sur le fuseau de Moscou, et la Nasa s'accommoderait d'une synchronisation avec les journées de leur centre de contrôle à Houston. Mais on a dit «internationale». Alors l'horloge, comme le reste, est réglée sur un compromis.
«Le fuseau GMT est à peu près à mi-chemin entre Houston et Moscou, où nos centres de contrôle sont installés, expliquait l'astronaute américain Edward Lu lors de son séjour dans l'ISS en 2003. Donc quand on se réveille vers 7 heures, il est 2 heures du matin à Houston et 11 heures à Moscou.»
L’ISS, la nuit. (Photo Nasa)
Quarante-cinq minutes d’obscurité
De toute façon, les rythmes de sommeil sont totalement artificiels dans l’espace : comme l’ISS fait le tour de la Terre en une heure et demie, le jour alterne avec la nuit toutes les quarante-cinq minutes. Les astronautes voient le Soleil se lever et se coucher 32 fois par jour ! Autant dire qu’il faut bien couvrir les hublots avant d’aller se coucher pour avoir la paix.
Au niveau sonore, d'ailleurs, ce n'est pas beaucoup plus tranquille. Le bruit ambiant «provoqué par les pompes où circule l'eau qui refroidit les systèmes électroniques, et les ventilateurs qui brassent l'air en permanence» avoisine les 70 décibels, nous apprend Thomas Pesquet, soit le niveau moyen d'un aspirateur ou d'un lave-linge en mode essorage. Les astronautes disposent de protections auriculaires moulées sur mesure, qui leur servent de boules Quies et d'écouteurs.
Un nouvel emploi du temps chaque jour
Indépendamment des allées et venues du Soleil, donc, les astronautes suivent un rythme réglé comme du papier à musique, identique tous les jours de la semaine et tous les week-ends. Comme le rappelle l'Agence spatiale européenne (ESA), «les êtres humains ont été conditionnés par des millions d'années d'évolution à un rythme de vingt-quatre heures, et les rythmes circadiens sont ancrés profondément dans nos corps et cerveaux. Donc les astronautes respectent ces rythmes anciens. Toute autre configuration laisserait les équipes dans un état de décalage horaire permanent».
[ Un planning d’une journée sur l’ISS en 2011 ]
Le réveil sonne à 6 heures, et les astronautes ont une heure et demie environ pour petit-déjeuner, faire leurs inspections et leur bilan de santé du matin. Puis la journée de travail s’étend jusqu’à 19h30, en comptant une heure de pause déjeuner et deux heures de sport, le reste étant divisé en 50% de recherche scientifique et 50% de logistique et maintenance de la station. Enfin, il reste deux heures pour dîner, lire ses mails, regarder la Terre et glander avant de se coucher vers 21h30.
Tous les matins, les centres de contrôle des différentes agences spatiales envoient le programme de la journée à leur(s) résident(s) de l'espace (on peut consulter en ligne ceux de la Nasa jusqu'en 2014) mais globalement, les programmes sont flexibles. Le samedi, c'est ménage et le dimanche est consacré au temps libre.
Lumières éteintes
Pour aider leur corps à comprendre que c’est l’heure de dormir, les astronautes passent également l’ISS en mode «nuit». Les lampes principales s’éteignent, et les couloirs ne sont plus éclairés que par des loupiotes vertes très reposantes. Les points lumineux les plus intenses mènent aux vaisseaux Soyouz, en cas d’urgence nécessitant une évacuation.
Ever wonder what it looks like inside ISS while we sleep? Dots near hatch point to Soyuz if we have an emergency pic.twitter.com/ZO4UBySFnc
— Mike Hopkins (@Astro_illini) November 20, 2013
Tout ceci est bien beau, mais ça ne nous explique pas pourquoi Pesquet tweete à 23h30 – soit 22h30 à l’heure de l’ISS – alors qu’il devrait dormir depuis belle lurette. Ce n’est pas une question de retard dans les connexions internet. Car depuis 2010, les astronautes n’ont plus besoin de demander à un Terrien de transmettre leurs messages sur les réseaux sociaux : il disposent chacun de leur accès personnel à Internet. Les tweets peuvent donc être envoyés en direct via un ordinateur portable de la station synchronisé avec un autre à Houston : quand l’astronaute bouge son curseur, il bouge aussi aux Etats-Unis. Les tweets de Thomas Pesquet, toujours postés une fois en anglais et une fois en français (avec un écart de 30 minutes à une heure) ont tout simplement l’air d’avoir été programmés à l’avance.