Entre les smartphones Galaxy Note 7 de Samsung et leurs batteries, le courant ne passe plus. Explication: pour produire de l’électricité, des ions lithium circulent dans une solution conductrice (électrolyte) entre une électrode positive (anode) et une électrode négative (cathode). Problème : ce mouvement fait chauffer la solution. Pour réduire le risque de feu, il faut installer des circuits électroniques de régulation des flux d’ions afin de gérer la tension. Visiblement, cela ne marche pas toujours… Autre inconvénient : le lithium, métal rare, pourrait disparaître à terme en cas de surexploitation des réserves, ou devenir trop onéreux. Enfin, les métaux lourds et les solvants de ces batteries doivent être récupérés et recyclés.
Reste que ces accumulateurs équipent la totalité des smartphones et autres appareils électroniques depuis 1991, date de commercialisation de cette technologie par Sony. Petites, légères, ces batteries offrent une forte densité énergétique (1) et elles ne souffrent pas de l’«effet mémoire» : pas la peine d’attendre qu’elles soient totalement vidées pour les remettre en charge.
Sécurité. Les véhicules électriques sont eux aussi propulsés par ce type de batteries, sous forme de lignes de cellules, mais les constructeurs insistent sur le degré de sécurité bien plus élevé que pour les téléphones : «Les conceptions sont totalement différentes. Nos batteries possèdent un calculateur qui mesure les tensions de toutes les cellules selon la norme ASIL-D (Automotive Safety Integrity Levels), le niveau de sécurité maximum. Par exemple, on vérifie la surtension deux fois dans chaque cellule», explique Cyril Jouron, chef de service stockage énergie de Renault.
Les batteries de la Zoe, le modèle électrique de la marque, sont refroidies par air et leurs performances sont limitées si la température augmente. La sécurité de ces batteries composées de cellules dites «pouch» (poche en aluminium ou plastique) est la préoccupation majeure des fabricants. «Nous effectuons plus de 40 tests différents : immersion, surtension, risque de court-circuit, crash, test de feu avec les pompiers, etc.», énumère Cyril Jouron.
Pour le spécialiste de Renault, le lithium-ion restera prédominant encore une bonne quinzaine d'années : «Le post-lithium-ion, on ne le voit pas avant 2030.» L'objectif étant d'atteindre à terme une densité énergétique de 800 Wh/kg.
D’autres solutions prometteuses existent pourtant, comme le sodium-ion, sur lequel travaille le réseau de chercheurs français RS2E (2). Avantage : le sodium (du sel) est très abondant et donc beaucoup moins coûteux que le lithium. Mais les batteries sodium-ion ont une densité énergétique encore trop faible. Elles pourraient néanmoins suffire pour les véhicules hybrides, ou remplacer les batteries au plomb pour le démarrage d’une voiture électrique.
Autre technique : le métal-air (aluminium/oxygène ou lithium/oxygène). Plus petites, plus légères (il n’y a plus de cathode, remplacée par l’oxygène) elles possèdent aussi une densité énergétique bien supérieure aux lithium-ion. Mais les métaux s’oxydent, ce qui décharge la batterie, et ils ont tendance à se désintégrer, il faut donc remplacer régulièrement les éléments en métal.
Les constructeurs automobiles travaillent d’ailleurs avec des start-up pour essayer d’améliorer la technologie existante et pour trouver des alternatives efficaces. La société israélienne StoreDot, par exemple, a mis au point une batterie capable de charger un smartphone en trente secondes, la FlashBattery. Son secret : utiliser des molécules organiques, des peptides (polymères d’acides aminés), appelés nanodots, qui améliorent les performances des électrodes et de l’électrolyte. Le procédé agit d’un côté comme un super-chargeur, avec un temps de charge très réduit, et de l’autre comme une électrode lithium, avec un taux de décharge très faible. Bonus : ces nanodots organiques sont respectueuses de l’environnement et les risques de combustion sont inexistants.
Promesse. Rencontré mi-octobre à l'événement Hello Tomorrow, Doron Myersdorf, fondateur et PDG de StoreDot, déclare pouvoir appliquer cette technologie aux batteries des véhicules électriques dès 2018. «Nous serons capables de charger une batterie de Tesla (les plus grosses en service dans une voiture électrique NdA) en cinq minutes», affirme-t-il. Les 35 chercheurs de StoreDot auraient «totalement repensé les quatre composants de la batterie : électrolyte, anode, cathode et les membranes séparant ces deux éléments».
Charger une Tesla ou une Zoe dans une durée équivalente voire inférieure à un passage dans une station-service classique devrait booster les ventes de véhicules électriques. Mais cette promesse est-elle réaliste ? Myersdorf y croit et met en avant ses brevets et ses levées de fond auprès de Samsung Ventures et d’autres investisseurs. Réponse en juillet, quand la société israélienne présentera son premier prototype de chargeur ultrarapide dans ses laboratoires de la banlieue de Tel-Aviv…
(1) 250 WH/kg, soit la quantité d’électricité stockée par kilogramme de batterie, calculée en watts/heure par kilo ou WH/kg.
(2) Réseau sur le stockage électrochimique de l’énergie qui rassemble 17 unités de recherche dont le CNRS et le CEA, 15 partenaires industriels et 3 établissements publics