Menu
Libération
Reportage

A Pollutec, des solutions pour «apprendre à ne plus polluer»

Quand l'eau révèle le mondedossier
Visite du salon des technologies au service de l'environnement qui se tient à Lyon jusqu'à vendredi. Entreprises industrielles et start-up rivalisent de technologies de dépollution. Mais la priorité est à la prévention.
Des voitures à recycler le jour de l'ouverture du salon Pollutec, mardi à Lyon. (Photo Philippe Desmazes. AFP)
par Maïté Darnault, Correspondance à Lyon
publié le 1er décembre 2016 à 16h38

D'énormes engins, des machines-outils, des tuyaux, des cuves, des pompes… Les travées de Pollutec sont un dédale de «solutions» industrielles en matière de dépollution et d'assainissement. Ce salon biennal, qui réunit 2 500 exposants, se tient à Lyon du 29 novembre au 2 décembre. Pendant quatre jours, le réseautage a été intense sur les stands, apéro précoce à l'appui, et les contrats nombreux à être entérinés. Difficile d'estimer les retombées économiques de ce rendez-vous, mais il affiche «un taux de satisfaction des visiteurs de 98 %», indique Stéphanie Gay-Torrente, directrice du salon. «Ce sont des professionnels qui viennent avec des objectifs business : ça veut dire que les partenariats se font. »

Créé en 1978, Pollutec se consacre à l’origine aux problématiques d’approvisionnement et d’épuration de l’eau, et du traitement des déchets, de la collecte au recyclage. Ces deux pôles restent aujourd’hui majoritaires, regroupant chacun un tiers des exposants. L’événement est devenu une référence européenne, une grand-messe de la «chaîne de valeur» tirée des rejets de l’activité humaine. Depuis quelques éditions, il s’affranchit cependant de la seule remédiation et lève, dans une certaine mesure, l’ambiguïté que suscite inévitablement la prospérité du «palliatif» face aux dommages environnementaux.

Effet locomotive

Pollutec reste «seulement une vitrine» des marchés réels, rappelle Alain Griot, conseiller au commissariat général du développement durable, qui dépend du ministère de l'Environnement, et membre du comité d'organisation du salon. «Jusqu'à il y a dix ans, on était seulement dans la réparation, c'est sûr, admet-il. Aujourd'hui, les gros camions-bennes représentent encore la majorité de la superficie de Pollutec. Mais parce que l'arrivée des technologies numériques est moins visible, moins démonstrative.» En parallèle de l'étalage des savoir-faire techniques, l'accent a été mis sur les ateliers et les conférences. «Depuis quatre ans, nous avons initié une discussion sur la biodiversité, reprend Alain Griot. En 2010, personne n'aurait imaginé parler de mer et de littoral, ou de ville durable. Ça a été des thèmes forts de cette édition. Le salon est devenu un accompagnant, et ce rôle tire vers la prévention.»

«Green washing» ou évolution dictée par l'urgence ? Stéphanie Gay-Torrente pointe en tout cas l'effet locomotive des start-up : «Ici, trois quarts des intervenants sont des PME et des TPE.» Des unités plus flexibles qui s'attaquent à l'inertie des gros industriels, en particulier dans le domaine de la gestion du risque, un pan en expansion de l'économie environnementale. Présente à Pollutec, Predict Services a été créée après les inondations qui ont touché le sud de la France au début des années 2000. Partenaire de Météo France, d'Airbus et du spécialiste de l'hydrologie BRL, l'entreprise de 30 salariés vend de l'expertise climatique. En envoyant des notifications ciblées, ses services de prévision assistent notamment les collectivités en cas de crise. «C'est de l'aide à la décision, explique Charles Robinot, ingénieur. Le premier objectif, c'est la protection des personnes et des biens. Le second, c'est d'augmenter la résilience aux changements climatiques.» Dans cette optique, le gouvernement a lancé cette année un plan de communication sur les «épisodes cévenols» (des pluies diluviennes qui s'abattent régulièrement sur les Cévennes) vantant ce type d'outils.

150 000 friches à dépolluer

La contrainte législative – loi de transition énergétique en tête – demeure un levier imparable : à compter du 1er janvier 2017, les garagistes seront par exemple obligés de proposer des pièces de rechange d'occasion. Où les trouver ? Le stand d'Opisto vante son projet : depuis 2010, cette PME permet aux casses de numériser leur stock et aux garagistes d'accéder à cette base via un logiciel dédié. Une application parmi d'autres de l'économie circulaire, à laquelle les multinationales deviennent attentives, à l'instar de Bouygues Groupe, présent pour la première fois à Pollutec cette année pour parler recyclage des matériaux du BTP.

Mais acteurs et secteurs ne sont pas tous égaux dans ce cheminement : «Il y a énormément de pays d'Afrique et d'Asie qui ont plus que besoin de remédiation, et ce sont aussi eux qu'on croise à Pollutec», souligne Alain Griot, du commissariat général du développement durable. «C'est primordial d'apprendre à ne plus polluer en direct. Mais en Europe, on s'assoit par ailleurs sur un lourd passif de pollution des sols», rappelle un employé d'un leader de la dépollution des sols. La France compte ainsi 150 000 friches «sales» héritées de la deuxième révolution industrielle – des mines ayant ensuite servi de dépotoirs aux premières stations-service jamais vidangées. «La dépollution des sols est un métier très jeune. Son sujet présent, c'est la remédiation du passé, souligne-t-il. Mais ça représente des montants astronomiques. Et dans l'assainissement, on ne produit rien.»