Quiconque l'a un peu pratiqué le sait : le patron de Free est un joueur, toujours à la recherche du prochain coup qui va l'amuser et l'enrichir. Dans Xavier Niel, la voie du pirate, biographie extrêmement documentée écrite par deux journalistes ayant suivi l'ascension de l'homme d'affaires, on apprend l'étendue de ses activités. On le connaît pour son succès dans les télécoms (Free), son rôle d'investisseur dans le numérique et son goût récent pour les grandes marques de presse (le Monde notamment). A la lecture, on découvre que le gamin de Créteil, issu de la classe moyenne, est le propriétaire d'un gigantesque patrimoine immobilier, a collaboré avec l'ex-DST (le renseignement intérieur), détient les droits de certaines chansons de Claude François et se plaît à coproduire les longs métrages de Kev Adams… La vie de milliardaire n'a jamais eu l'air aussi divertissante. Le livre déborde d'anecdotes incroyables : il raconte ainsi que Niel organise des rendez-vous à l'Elysée pour François Hollande, avec des investisseurs américains ou son beau-père Bernard Arnault (LVMH). Il n'omet rien de son passé trouble dans le monde des sex-shops parisiens, qui lui a valu un mois de prison en 2004. L'enquête de Solveig Godeluck et Emmanuel Paquette retrace aussi avec précision l'aventure industrielle de ce génie des réseaux ayant inventé la box et le «triple play», du minitel rose à la création d'un géant des télécoms en voie d'internationalisation. Son grand mérite est de relativiser l'image que s'est construite la onzième fortune de France : assurément philanthrope, mais sans scrupule lorsqu'il faut restructurer une société ; patron de presse, mais horriblement procédurier avec les journalistes qui ne se plient pas à sa volonté ; pirate autorevendiqué, mais partie intégrante de l'élite française du business… En refermant le bouquin, on se rend compte que Niel n'a pas encore 50 ans… Mais comme l'écrivent les auteurs, il est déjà le «nouveau parrain des affaires français».

Xavier Niel, la voie du pirate, de Solveig Godeluck et Emmanuel Paquette, éditons First Document, octobre 2016, 240 pages, 16,95 euros.