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Environnement

Une feuille de route contre la pollution

Comme en région parisienne, la circulation alternée est mise en place à Lyon. Alors que le pic se prolonge, quelques solutions à court et long termes.
Dans le quartier de l’Opéra, jeudi, à Paris. (Photo Cyril Zannettacci pour Libération)
publié le 8 décembre 2016 à 20h36

La France subit depuis plus d'une semaine le pic de pollution hivernal le plus long et le plus intense depuis dix ans. Même si un «léger mieux»est attendu pour vendredi, notamment en région parisienne, la pollution aux particules fines et au dioxyde d'azote reste forte et la situation pourrait se prolonger la semaine prochaine, avec le retour de l'anticyclone qui bloque les polluants près du sol. Il est donc urgent d'agir. D'abord pour surmonter ce pic et s'en prémunir. Mais aussi pour éviter les suivants. Et surtout lutter enfin contre la pollution chronique de l'air, la plus insidieuse et la plus dangereuse, celle qui est responsable de 48 000 morts prématurées par an en France (soit 132 par jour, autant que les décès dus à l'alcool et deux tiers de ceux dus au tabac). Les mesures à prendre ne manquent pas.

A court terme, plus de civisme et de contrôles

Ce vendredi, la circulation alternée est reconduite à Paris et en proche banlieue pour le quatrième jour consécutif, et instaurée pour la première fois à Lyon et Villeurbanne. De l'avis d'Airparif, association de surveillance de la qualité de l'air en Ile-de-France, il s'agit actuellement de la mesure d'urgence la plus efficace, même si elle est imparfaite : «Elle ne cible pas les véhicules les plus polluants et défavorise les plus pauvres qui n'ont qu'une seule voiture, alors que les couples qui en ont deux peuvent plus facilement s'en sortir, note Olivier Blond, président de l'association Respire. A partir de janvier, le nouveau dispositif des vignettes antipollution Crit'Air, qui sera obligatoire pour circuler à Paris, n'empêchera pas les pics mais permettra d'agir plus vite. Il sera bien plus efficace et plus juste.» Encore faut-il que ces mesures soient respectées. Ce qui n'a pas été le cas ces derniers jours en région parisienne. Mardi, au premier jour de circulation alternée, le trafic n'a été réduit que de 5 % à 10 % par rapport à une journée habituelle, et son impact a été faible sur la pollution, selon Airparif. Une des raisons : un manque de civisme encouragé par le montant très faible de la contravention (22 euros), souvent même pas appliquée par des agents qui se contentent de sermonner les contrevenants. Résultat, en début de journée jeudi, le cumul de bouchons était à un niveau jugé «exceptionnel». En attendant, pour se protéger, pas d'autre choix que de suivre les consignes d'urgence un brin absurdes et désespérantes : «Privilégier les activités calmes et éviter toutes les activités physiques et sportives intenses ; veiller à ne pas aggraver les effets de la pollution en pratiquant des activités émettrices de polluants» ou encore limiter les déplacements au strict nécessaire et éviter les promenades et les activités à l'extérieur pour les personnes les plus fragiles. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, est, elle, enfin sortie de son silence pour recommander à l'ensemble de la population d'être vigilante. Merci bien.

A long terme, repenser les transports

«Il n'y a pas une solution miracle, mais une infinité de solutions. C'est comme pour le changement climatique, dès qu'il y a une activité, il y a une pollution, il faut donc repenser beaucoup de choses et veiller à adapter les mesures au contexte local», explique Olivier Blond, de Respire. La pollution de l'air extérieur provient de quatre sources majeures (circulation automobile, chauffage, industrie, engrais et pesticides agricoles) ; celle de l'air intérieur, souvent oubliée, de plus de sources encore (tabagisme, moisissures, matériaux de construction, meubles, acariens, produits d'entretien, peintures…). Il faut donc jouer sur tous ces fronts.

Les particuliers peuvent limiter les dégâts en évitant les pesticides chimiques et en privilégiant les produits d'entretien et cosmétiques sans solvants, composés organiques volatils ou phtalates, en renouvelant leurs appareils de chauffage, en ventilant leur intérieur… Mais il appartient surtout aux pouvoirs publics d'interdire enfin certains produits toxiques, en particulier les pesticides les plus nocifs. C'est loin d'être le cas. Au contraire, l'utilisation de ces produits explose en France.

Question transports, il est urgent d'agir en adoptant enfin des mesures structurantes, de long terme. En ville, il s'agit de renforcer les transports en commun, favoriser le vélo et la marche à pied, encourager les véhicules les plus propres… «Des solutions très classiques mais efficaces. Il y a aussi un enjeu crucial : développer le covoiturage domicile-travail», insiste Olivier Blond, citant notamment la start-up Karos, qui a développé une application en ce sens.

En attendant, à compter du 15 janvier 2017, Paris deviendra la première Zone à Circulation Restreinte (ZCR) en France : les véhicules circulant dans la capitale devront obligatoirement s'équiper d'un certificat qualité de l'air « Crit'Air » instauré par le ministère de l'Environnement, c'est-à-dire une vignette de couleur indiquant leur niveau de pollution. Les automobilistes seront aussi incités, via des aides, à renoncer à leur véhicule polluant. Mais alors que certaines villes comme Paris prennent les devants, «d'autres font marche arrière et la majorité tarde à agir», regrette le Réseau Action Climat (RAC), qui a publié en septembre un guide très complet à destination des élus locaux. L'ONG souligne qu'outre la mise en place de ZCR, les communes peuvent désormais généraliser la limitation des vitesses à 30 km/h en ville et baisser les vitesses sur les rocades (comme à Grenoble) et développer les «zones à circulation apaisée» (piétonisation et zones à trafic limité, comme Nantes). 

De son côté, pressée d'agir, la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, a promis de proposer dès samedi plusieurs mesures en faveur des transports propres. Elle souhaite que «les élus et les préfets puissent rendre obligatoires les certificats de qualité de l'air dans les zones à pics de pollution réguliers», à l'image de ce qui se fera à Paris. Royal veut aussi que le bonus pour l'achat d'un véhicule électrique accordé aux particuliers soit étendu aux véhicules utilitaires et que le crédit d'impôt pour l'installation de bornes de recharge électrique pour les particuliers soit augmenté. Le gouvernement en profitera-t-il pour prendre enfin les mesures nécessaires pour lutter contre le tout-routier en général et le diesel en particulier ? Jusqu'ici, il a surtout fait l'inverse, notamment en cassant le transport ferroviaire. Ou en tuant l'écotaxe poids lourds, une absurdité puisque la mesure consistait à appliquer le principe du pollueur-payeur (le fret routier devait assumer ses nuisances, jusque-là à la charge de la collectivité). Et à financer les transports alternatifs. Il serait donc urgent de déterrer l'écotaxe, comme l'a demandé le Conseil d'Etat lundi.

Et le diesel ? Plus d'un an après l'éclosion du scandale du Dieselgate, l'ONG bruxelloise Transport & Environment a démontré qu'environ 5,5 millions de véhicules classés Euro 5 et Euro 6 circulent encore en France tout en émettant, en conditions réelles de conduite, plus de trois fois le seuil limite d'émissions des oxydes d'azote (NOx) de la norme actuelle d'homologation. «Il faut d'une part approfondir les investigations vis-à-vis des constructeurs automobiles et exiger l'abaissement des niveaux de pollution des véhicules en circulation, et d'autre part accélérer la mise en place d'un système de contrôle des tests de mesure indépendant au niveau européen», insiste le RAC. Et respecter enfin l'engagement de mettre fin à l'avantage fiscal du diesel. De manière générale, mettre un prix à la pollution et tout faire pour sortir des énergies fossiles sont des mesures plus que nécessaires. Autre piste : développer le télé-travail quand c'est possible.

Dernière suggestion qui a le mérite de joindre l'utile à l'agréable : planter des arbres. Une étude de l'ONG The Nature Conservancy a établi qu'un «investissement annuel global de 100 millions de dollars destiné à planter des arbres dans les grandes villes permettrait à 77 millions de personnes de vivre dans des villes plus tempérées et à 68 millions de personnes de jouir d'une réduction mesurable de la pollution par les particules».