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Libération

Evasion fiscale : une radio pirate à la BNP

publié le 9 décembre 2016 à 19h57

«Bonjour à tous et bienvenue sur Radio Evasion fiscale, la première radio-pirate émettant depuis une banque.» Vendredi, 10 h 30, Malika prend le micro. Quelques minutes plus tôt, plusieurs dizaines de militants écolos et/ou altermondialistes (Amis de la Terre, Faucheurs de chaises) se sont installés dans une agence de BNP Paribas, place Gambetta à Paris. Improvisant un studio radio avec un table pliante, un ordinateur, deux techniciens et un cocotier gonflable. A l'occasion de la Journée mondiale contre la corruption, organisée vendredi sous l'égide de l'ONU, ces activistes entendent insister sur les 60 à 80 milliards qui manquent à la France (400 milliards à l'échelle européenne, et 1 000 milliards au plan mondial) à cause de l'évasion fiscale, les multinationales échappant trop souvent à l'impôt avec l'appui logistique des banques. Une quarantaine de happenings vont viser la BNP pendant deux jours. Si elle n'est pas la seule banque à aider à la création de sociétés offshore, la voilà ciblée pour avoir poursuivi un faucheur de chaises, John Palais, lui reprochant d'avoir milité symboliquement contre «l'évasion fiscale en bande organisée.» Le procès aura lieu début janvier à Dax (Landes).

La radio pirate est censée émettre sur la bande FM (106.3) et plus sûrement sur le Web (1). «On nous entend ? En tout cas, ça se passe très bien à la banque, on est cool», annonce l'animatrice avant de dérouler un authentique programme. D'abord une rubrique météo, avec Jeanjean : «Un microclimat tropical s'est installé dans le XXe arrondissement de Paris. Demain, un vent militant soufflera sur l'ensemble du territoire, le tonnerre grondera.» Potacherie encore, avec un «jeu des 60 milliards». Un candidat fait mine d'échouer à donner le Top 5 des paradis fiscaux… Eh non, le Luxembourg (6e) n'y figure pas, mais les Etats-Unis (via le Delaware) oui. Autour du studio, des cadres de la BNP tentent d'abaisser les grilles de l'agence : «J'ai le droit de les fermer, vous resterez à l'intérieur si vous voulez.»

Débarquent des policiers plutôt débonnaires, dealant avec le directeur d'agence : «Si vous demandez notre intervention, on interviendra.» Lequel tempère le danger de l'intrusion : «On savait depuis un mois que la BNP serait visée, mais pas où. C'est non violent, ils veulent juste emporter des chaises…» Un flic au téléphone avec sa hiérarchie : «Il y a aussi des journalistes étrangers à l'intérieur.» Tout se passe à la bonne franquette, Radio Evasion aura réussi son coup avant de plier bagages. Demeure la question du nombre d'auditeurs.