C'est beau comme du Jurassic Park : la queue d'un dinosaure a été retrouvée dans un bloc d'ambre – de la résine fossilisée, parfaitement conservée depuis quatre-vingt-dix-neuf millions d'années. Sauf que, contrairement au look obsolète des dinosaures qui pullulent dans le film, justement, le membre n'est pas recouvert de peau reptilienne, mais de magnifiques plumes. L'exceptionnelle découverte a été dévoilée hier dans la revue scientifique Current Biology.
Il s’en est passé, du temps, depuis l’époque où on décrivait les dinosaures comme des gros lézards. On supposait depuis des décennies que ces créatures apparentées aux oiseaux pussent avoir porté un plumage, et les premières preuves fossiles sont arrivées dans les années 90 – des marques de plumes incrustées dans la pierre.
Puis «dans les deux décennies qui ont suivi la découverte des dinosaures à plumes, la gamme de plumages connus chez les théropodes non avialiens s'est significativement étendue», rappelle l'étude de Lida Xing et son équipe. Les théropodes, ce sont les dinosaures qui marchent sur leurs deux pattes arrière, et «non avialiens» signifie qu'ils ne volent pas. Mais comme les autruches ou les manchots, leur inaptitude au vol ne les empêche pas de porter des plumes.
Pour mieux comprendre le plumage des dinosaures, les squelettes fossilisés ne suffisent pas : les plumes sont écrasées, déformées, décomposées. Alors que dans l'ambre, leur structure en 3D reste quasiment intacte. «Des découvertes récentes d'ambre du Crétacé au Canada, en France, au Japon, au Liban, en Birmanie et aux Etats-Unis ont révélé des niveaux de détail beaucoup plus fins, mais le rangement taxonomique est incertain car le plumage est rarement associé à un squelette identifiable». Autrement dit, on a trouvé de belles plumes dans l'ambre mais on ne savait pas à quel dinosaure elles appartenaient.
La queue de dinosaure conservée dans l’ambre révèle de microscopiques détails. (Photo Ryan McKellar. Royal Saskatchewan Museum)
Mais cette fois, les paléontologues disposent d'une richesse d'informations inédites. Les plumes piégées dans ce bloc de résine birmane de quelques centimètres de large proviennent sans doute d'un coelurosaure juvénile, une sorte de jeune poulet à longue queue. On peut y observer la structure des plumes et l'organisation des follicules, les cavités de la peau dans lesquelles elles poussent, à l'échelle du micromètre.
(Photo Ryan McKellar. Royal Saskatchewan Museum)
L'équipe de chercheurs s'en donne à cœur joie : «De nombreuses plumes présentent un rachis court et mince avec des barbes alternées et une série uniforme de barbules contigus, soutenant l'hypothèse que les barbes possédaient déjà des barbules lorsqu'ils se sont joints pour former le rachis.» Avec un schéma, on comprend mieux :
(D’après photo Josef Reischig, CC BY SA)
La structure est souple ; pas assez résistante pour soutenir le poids de l'animal dans l'air. Si toute la queue du dinosaure était couverte de ce genre de plumes, conclut l'étude, notre coelurosaure «devait sans doute être incapable de voler». Les plumes devaient donc être ornementales, remplissant peut-être une fonction de signalisation, ou servant à réguler la température.