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Foncier

Quand la droite joue contre les paysans

Des députés LR se sont opposés à un volet de la loi Sapin 2 qui vise à protéger les agriculteurs de la spéculation sur les terres.
En 2012, près de Chartres. (Photo Joel Saget. AFP)
publié le 13 décembre 2016 à 16h54

Comprendra qui voudra. Alors que la droite, François Fillon en tête, n’a de cesse de caresser l’électorat rural dans le sens du poil en tapant sur la politique agricole du gouvernement socialiste, des députés du groupe Les Républicains viennent de faire capoter une disposition législative qui vise à protéger les agriculteurs de la spéculation sur les terres.

Accaparements abusifs

Le projet de loi Sapin 2 comporte un volet foncier pour lutter contre l’accaparement des terres agricoles par des acheteurs en court-circuitant les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). Rattachées à l’Etat, elles disposent d’un droit de préemption lors de la cession d’une exploitation agricole. Mais, il y a peu, un fonds de gestion chinois basé à Hongkong a réussi, grâce à une faille juridique, à acheter 1 700 hectares de terres agricoles dans l’Indre, au cœur du bassin céréalier français, sans que la Safer ne «puisse» s’y opposer.

En réponse, la loi Sapin 2 s’était employée à éviter ce genre d’opérations. Le texte visait à assurer une meilleure transparence des cessions de parts ou actions de sociétés détenant du foncier agricole et à permettre d’intervenir pour éviter des concentrations d’exploitations et des accaparements de terre au sein d’une même société ou d’une même holding.

«Modèle de société»

Las, des députés du groupe Les Républicains ont saisi le Conseil constitutionnel pour remettre en cause la possibilité d'intervention des Safer et de la profession agricole sur ces opérations. «Ce volet ingénieux et novateur avait été approuvé par le ministère de l'Agriculture, déterminé à trouver les moyens de préserver l'agriculture familiale française et la souveraineté alimentaire, aujourd'hui menacées par ces concentrations et ces accaparements abusifs», estime la Fédération nationale des Safer. Qui demande «une réflexion approfondie et l'inscription rapide d'un projet de loi foncière, car c'est l'avenir de l'agriculture familiale et de notre modèle de société qui est en jeu».

Réaction du secteur professionnel : la Confédération paysanne, syndicat clairement classé à gauche de l'échiquier agricole, s'est étonnée de cette saisine du Conseil constitutionnel par les députés Les Républicains. Déclaration plus étonnante de la part des Jeunes Agriculteurs, branche jeunesse de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire : «La transparence des transactions financières est reconnue. A quand celle des transactions foncières ?» Bonne question.