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Taxe d'habitation : l'exonération massive de Macron met en colère les collectivités locales

Le candidat En marche propose la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des contribuables. La mesure est censée encourager la consommation des ménages et réduire les inégalités fiscales.
Emmanuel Macron à Saint-Priest-Taurion, près de Limoges, samedi. (Pascal Lachenaud. AFP)
publié le 27 février 2017 à 19h26

La mesure se veut un geste en faveur du «pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires», mais elle a déclenché l'ire d'à peu près toutes les associations de collectivités. Le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron propose de supprimer la taxe d'habitation pour 80% des Français. Seraient concernés les contribuables dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 20 000 euros, soit 4 ménages sur 5. Par exemple, un couple avec deux enfants qui gagne moins de 5 000 euros par mois ne serait plus assujetti à la taxe. Le manque à gagner – estimé à une dizaine de milliards d'euros pour les collectivités locales – serait intégralement compensé par l'Etat.

Impôt inégalitaire

La mesure serait progressivement mise en place à partir de 2018 avant d'être intégralement déployée en 2020. «Les populations concernées auraient une baisse annuelle du tiers de leur taxe jusqu'à extinction complète en 2020», a indiqué Emmanuel Macron vendredi sur RMC et BFMTV. En exonérant certains ménages de la taxe d'habitation, l'ex-ministre de l'Economie propose d'agir sur un autre levier fiscal que François Hollande. Qui a, lui, baissé quatre fois depuis 2013 le taux d'imposition sur le revenu.

Or pour Emmanuel Macron «l'impôt le plus injuste, ce n'est pas l'impôt sur le revenu». Le candidat s'en prend aux écarts d'imposition qui sont, de fait, extrêmement importants selon les villes. A titre d'exemple, la taxe d'habitation s'élevait à 1 440 euros à Argenteuil (Val d'Oise) en 2016, contre 481 euros à Paris.

La proposition de suppression partielle de la taxe d'habitation s'inscrit dans un plan plus large de réforme budgétaire défendu par le candidat. Son programme économique prévoit une réduction de 10 milliards d'euros dans le fonctionnement des collectivités locales, avec notamment la suppression de «la vingtaine de départements comprenant une métropole» et un «retour aux 35 heures pour les agents territoriaux».

Remise en cause de la libre administration

L'annonce de Macron a en tout cas déclenché de vives réactions de la part des associations de collectivités locales. Le montant total de la taxe d'habitation s'élevait à 21,7 milliards d'euros en 2015 et l'exonération partielle amputerait les communes «de 36% de l'ensemble de leurs ressources propres», estime l'Association des maires de France (AMF) présidée par François Baroin (LR). Et la compensation par l'Etat du manque à gagner ne convainc pas, ni sur les chiffres ni sur les principes. «En privant de manière autoritaire les collectivités d'un tel montant de ressources propres, l'Etat remettrait en cause leur libre administration et leur capacité d'assurer les services publics essentiels attendus par la population, de l'école à la solidarité.»

L'association Villes de France, qui regroupe les villes moyennes, va même jusqu'à prédire que «l'existence même des services publics locaux comme les crèches, les écoles et le traitement des déchets serait remise en cause».

Perte de souveraineté

Dans un éditorial, la Gazette des Communes, hebdomadaire professionnel des collectivités, souligne que le candidat En Marche parle «d'exonération et non de dégrèvement. Or, à terme, ces compensations, qui pèsent lourd dans les comptes publics, finissent de plus en plus en dotations, dont on connaît le sort». Autrement dit, la réversion de la taxe d'habitation aux collectivités sera soumise au système de dotations et donc assujettie aux décisions politiques. Par ailleurs, les collectivités n'auraient plus la mainmise sur le montant de la taxe et se verraient coupées de la possibilité de l'augmenter. «C'est une atteinte à l'autonomie financière des collectivités garantit par la Constitution», dénonce l'AMF.

Entre baisses de dotations et aides au redressement des finances publiques, les collectivités territoriales ont essuyé une coupe claire estimée à une dizaine de milliards d'euros depuis 2014. Pour calmer leurs inquiétudes, Macron propose la signature d'un «pacte» pour négocier au cas par cas les conditions des restrictions budgétaires. Pas sûr que cela suffise.