Menu
Libération
Console

Nintendo Switch, un level de franchi

Le constructeur japonais lance ce vendredi sa nouvelle console qui allie portativité et convivialité, points forts historiques de la marque. Il espère ainsi faire oublier l’échec cuisant de la Wii U.
La Switch a été présentée le 13 janvier au Grand Palais, à Paris. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 2 mars 2017 à 18h36

Le premier déballage de la Switch, dont la sortie mondiale est ce vendredi, a suscité l’incrédulité chez quelques collègues : difficile de croire au départ que la nouvelle console de salon de Nintendo (299 euros) n’est, en réalité, qu’une tablette tactile. C’est pourtant bien le cas, puisqu’elle est aussi portable et, pour fonctionner, la Switch n’a besoin que de ses deux morceaux de manette amovibles, appelés Joy-Con, ainsi que d’un câble pour être rechargée.

C’est l’un des aspects les plus plaisants de l’objet : sa simplicité. Car pour le constructeur japonais, l’enjeu principal de cette console est avant tout d’être comprise, et ce afin d’effacer l’affront subi par la Wii U, inutilement compliquée à bien des égards. Elle n’a même pas dépassé les 14 millions d’exemplaires vendus dans le monde (contre plus de 100 millions pour la Wii, sa prédécesseure). Non que la Switch n’ait pas, elle aussi, des subtilités un peu difficiles à saisir, avec la multitude de configurations possibles pour ses manettes et le fait qu’il faudra sans doute acheter des cartes micro-SD pour augmenter sa mémoire dérisoire. Enfin, tout de même, voilà au moins une console qui nous permet, comme à la vieille époque, de lancer un nouveau jeu sans attendre des plombes à l’heure où, sur PS4 et Xbox One, il faut en général se fader de longues minutes d’installation et de mise à jour.

Mais l'essentiel est évidemment ailleurs, dans le fait que la Switch exauce un vœu qu'on n'avait même pas formulé : pouvoir commencer le dernier jeu de la série Zelda sur sa télévision, le poursuivre dans le train sur un autre écran, et le finir sur la télévision de quelqu'un d'autre (ce sont des exemples, chacun fait ce qu'il veut). Il y a bien quelque chose de magique dans le fait d'avoir la console sur soi et de se dire qu'on peut, en trois secondes, la sortir de sa veille et reprendre là où on s'était arrêté quinze heures plus tôt sur sa télé. Alors il est vrai que la batterie ne permet pas de jouer plus de trois heures loin d'une prise (sur ce Zelda en tout cas), et il est vrai aussi que ce n'est pas vraiment une console qu'on glisse innocemment dans une poche vu sa taille, relativement importante (plus petite qu'un iPad mais nettement plus épaisse, sans compter les manettes).

Mais la Switch a tout l'air, à ce stade, d'être la console la plus aboutie de Nintendo ou au moins celle où le constructeur japonais a le mieux réussi à marier deux de ses idées phares : la portabilité bien sûr, domaine dans lequel, depuis la Game Boy jusqu'à la 3DS, il n'a jamais été réellement inquiété par ses concurrents, mais aussi la convivialité, dont la Wii fut la plus ardente représentante. Sur Switch, les deux Joy-Cons peuvent servir chacun de manette, ce qui permet tout de suite d'apprécier le délicieux jeu coopératif Snipperclips, de s'amuser sur l'onéreux mais sympathique 1-2 Switch, ou de monter assez vite à quatre joueurs sur le prochain Mario Kart (en réalité une version légèrement augmentée du numéro 8, attendue pour avril). Mais comme toujours, il faudra attendre de voir ce que sera le reste de la ludothèque, celle-ci étant pour l'heure relativement pauvre. Après l'excellent Zelda Breath of the Wild, tous les regards vont donc naturellement se tourner vers le très prometteur Super Mario Odyssey, annoncé pour la fin de l'année.

Des jeux vidéo axés sur la transmission

Depuis la sortie de la DS fin 2004, Nintendo a décidé de tracer sa route seul dans l’industrie du jeu. En se retirant de la course effrénée à la puissance, le japonais a fait un choix radical. Il s’est concrétisé par des succès (la DS, la Wii, la 3DS) et un échec retentissant (la Wii U). Mais s’il y a un domaine où Nintendo a joué la continuité, c’est bien celui de son catalogue de jeux. Mario, Zelda, Kirby… sont les éléments identitaires de la marque. Des personnages, des styles de jeux et un savoir-faire unique qui transcendent les évolutions matérielles. Le rôle du japonais dans l’industrie est plus important que jamais : il est devenu la courroie de transmission du jeu vidéo entre générations. Ceux qui s’y sont mis au milieu des années 80 avec la NES et Super Mario et qui ont continué à pratiquer n’ont qu’une envie : partager cette passion avec leur progéniture. Mais si on regarde les productions, l’absence de jeux destinés aux petits est criante (à part quelques exceptions comme la série Lego ou Minecraft). Seul Nintendo permet aux parents de jouer avec leurs enfants. Depuis 2009 et New Super Mario Bros Wii, il propose des modes à deux joueurs faciles, où quand l’un perd, il revient à l’écran dans une bulle qu’il suffit d’éclater. On ne saurait que conseiller ces moments de partage qui ont l’avantage de ne pas laisser les enfants seuls devant l’écran. Avec la Switch, Nintendo doit continuer en ce sens (c’est bien parti, vu le système de contrôle parental malin de la console). Aux côtés de la musique, du cinéma ou des livres, la transmission ludique deviendra une nouvelle facette de l’éducation culturelle. Et pas la plus désagréable.