Si Uber pensait pouvoir souffler quelques jours, c’est raté. Mardi, le directeur général et fondateur de la firme, Travis Kalanick, a annoncé que sa directrice de la communication, Rachel Whetstone, quittait le navire après deux ans de service. Elle sera remplacée par Jill Hazelbaker, son ex-bras droit.
Ce nom s'ajoute à une liste désormais longue. En mars, l'expert en marketing Jeff Jones avait déjà annoncé son départ, six mois après ses débuts. Embauché pour améliorer l'image de la boîte, il avait expliqué ne pas «voir son avenir chez Uber». Au même moment, le vice-responsable du programme de cartographie, Brian McClendon, quittait lui aussi la boîte. En février, Uber avait poussé dehors son directeur technique, Amit Singhal. Ce dernier avait omis de préciser qu'il faisait l'objet d'une plainte pour harcèlement sexuel, datant de l'époque où il travaillait pour Alphabet. Il n'aura tenu qu'un mois chez Uber.
En plus de subir cette accumulation de départs, la start-up est en train de perdre des marchés dans plusieurs pays. Les juges italiens ont tranché en faveur des taxis : Uber n’a plus droit de cité en Italie. Au Danemark, c’est l’arrivée d’une nouvelle loi rendant obligatoire l’installation de compteurs dans les voitures qui l’empêche désormais d’exercer. L’entreprise quittera donc le pays le 18 avril.
Argentine, Hongrie, Bulgarie, Corée-du-Sud, Chine… Nombreux sont les pays où Uber a dû jeter l’éponge ces dernières années. En Allemagne, sa vie n’est pas plus rose. L’application a été bannie de Düsseldorf, Hambourg et Francfort en novembre 2015. A Berlin, la firme a dû accepter d’employer des taxis pour continuer à assurer son service.
«Violation de brevet»
Même quand l’entreprise ne se voit pas contrainte de quitter un pays, des réglementations nouvelles viennent lui compliquer la tâche. Le Royaume-Uni est ainsi parvenu à imposer à Uber de donner à ses chauffeurs des contrats de salariés quand le Portugal, la France et l’Espagne tentent tant bien que mal de définir un cadre législatif strict.
S'il n'y avait que ça... Mais non. Uber est également la cible de plusieurs plaintes. Début avril, Google puis Waymo accusaient l'entreprise de «vol de secret industriel et violation de brevet». L'entreprise de camions autonomes Otto, rachetée par Uber pour concevoir ses taxis autonomes, aurait volé 14 000 dossiers à la filiale d'Alphabet, dans le but d'imiter ses capteurs.
Plus récemment, une autre plainte a été déposée au tribunal fédéral de Los Angeles, reprochant à l'entreprise d'avoir mis au point une technique «intelligente et sophistiquée» pour arnaquer clients et chauffeurs, grâce au nouveau système de paiement installé en 2016.
«Année très, très étrange»
S'ajoute à cela un nombre difficilement calculable de controverses. Une ancienne employée, Susan J. Fowler, avait notamment décrit son «année très, très étrange chez Uber» dans un long post de blog fin février. Elle y expliquait que son chef, en relation libre, «était à la recherche de femmes pour avoir des relations sexuelles avec lui». Le post a tant fait parler de lui qu'Uber a dû ouvrir une enquête en interne, dirigée par l'ex-ministre de la justice d'Obama, Eric Holder.
Quelques jours plus tard, le 28 février, une vidéo de Travis Kalanick, expliquant à un chauffeur Uber qu'il était «responsable de sa propre merde», devenait virale sur le Web. Difficile début d'année, donc, pour le patron qui avait déjà provoqué l'ire de ses collaborateurs en acceptant un poste au conseil économique de Donald Trump. Après un appel au boycott lancé sur les réseaux sociaux avec le hashtag #DeleteUber, Travis Kalanick avait finalement renoncé.
Fin février, le fondateur d'Uber a écrit à ses employés, admettant avoir «besoin d'aide pour gérer». «Je dois fondamentalement changer et grandir», déclarait-il. Quand la seule bonne nouvelle du mois se résume au buzz suscité par la vidéo d'un chauffeur Uber improvisant un freestyle devant ses clients, on se dit qu'effectivement le boss aurait bien besoin d'un petit coup de pouce.