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Malgré l'affaire United Airlines, le surbooking a encore de beaux jours devant lui

La vente en surnombre de billets d'avion demeure incontournable et autorisée par la législation européenne. Seul le débarquement d'un passager déjà installé à bord reste dans le flou juridique.
Qualifié de technique commerciale, le surbooking consiste à vendre plus de billets qu’un appareil ne contient de sièges, en spéculant sur les annulations. (Photo Mark Leffingwell. AFP)
publié le 13 avril 2017 à 20h09

Les images prises par les téléphones mobiles des passagers ont parcouru la planète, bien plus rapidement qu'il ne le faudrait à un avion long-courrier. On y voit, le dimanche 9 avril au soir, un passager sorti manu militari d'un avion de la compagnie aérienne United Airlines par des agents de sécurité. L'homme n'a ni bu ni agressé l'équipage. Il a simplement refusé de céder son siège dans un avion surbooké qui assure la liaison entre Chicago et Louisville (Kentucky). En l'occurrence ce jour-là, il s'agissait de faire de la place à un équipage en cours d'acheminement pour assurer un autre vol de la compagnie United. Depuis, le PDG du transporteur a présenté des excuses, et le passager blessé au nez a annoncé via son avocat son intention de porter plainte.

Reste la pratique à l’origine de cette bavure : le surbooking, ou la surréservation dans la langue de Molière. Qualifié de technique commerciale et accepté par la législation européenne, cet usage consiste à vendre plus de billets qu’un appareil ne contient de sièges, en spéculant sur les annulations. L’objectif est de maximiser le taux de remplissage des avions. Dans le transport aérien comme dans l’hôtellerie, ce qui n’est pas vendu est en effet perdu. Lorsque le surbooking fonctionne bien, les annulations y compris celles de dernière minute compensent les billets vendus en surnombre.

Des indemnisations de 150 à 600 euros

Pour parvenir à cet équilibre, les compagnies aériennes s’appuient sur de puissants algorithmes qui retracent l’historique d’un trajet. Ainsi, pour décider du nombre de billets à vendre sur un Paris-Buenos Aires en avril 2017, l’ordinateur analyse le nombre de billets vendus sur la même destination les années précédentes. Il arrive néanmoins que l’ordinateur bugue. L’affaire se règle en général à l’amiable et à l’embarquement. Dans un premier temps, les passagers candidats pour prendre un autre vol se déclarent et reçoivent en échange une compensation : nuit d’hôtel, somme d’argent, surclassement sur le vol suivant. Faute de volontaires, la compagnie décide unilatéralement de ne pas embarquer certains passagers. Dans ce cas, l’Union européenne a prévu travers son règlement 261 une indemnisation. Elle va de 150 euros pour un vol de moins de 1 500 km à 600 euros pour un trajet intercontinental.

Dans le cas du vol d'United Airlines, l'affaire se corse dans la mesure où le passager a été considéré en surbooking alors qu'il était déjà assis dans l'avion. D'où son peu d'empressement à accepter de débarquer. Une telle situation serait-elle transposable au départ d'un aéroport européen ? Libération a posé la question à un pilote d'Air France. «Dès lors que la porte de l'avion est encore ouverte, le commandant de bord n'a pas les pleins pouvoirs. Il ne pourrait s'opposer à des agents de la force publique demandant à un passager de descendre.»

Un nouveau business

La réglementation est semble-t-il muette dans un tel cas de figure. Sollicitée par Libération, la direction générale de l'aviation civile (DGAC), qui dépend du ministère des Transports, évoque un «vide juridique» sur cette question. De son côté, United Airlines indique, via son bureau de Londres, qu'un tel débarquement avec recours à la police, s'il reste exceptionnel, fait partie des procédures de la compagnie, applicables également en Europe.

Le surbooking a, en tout cas, donné naissance à un nouveau business. Plusieurs sites proposent aux passagers débarqués de prendre en charge toutes les démarches, afin qu’ils obtiennent le versement des compensations prévues par la loi, y compris jusqu’aux recours devant les tribunaux à l’encontre des compagnies les plus récalcitrantes. En échange, ces sites perçoivent, en moyenne, 30% des compensations perçues par les voyageurs éconduits.