Quand la Nasa a organisé une conférence de presse pour annoncer une découverte capitale dans le système solaire, de nombreux amateurs – et professionnels – d'astronomie ont froncé des sourcils blasés : quoi encore ? Ils ne vont pas nous refaire le coup de l'eau liquide sur Mars, annoncée en fanfare avant de réfléchir à d'autres hypothèses ? Ou le coup de février dernier, avec l'étoile Trappist-1 et ses sept planètes en zone habitable qui ont surtout été découvertes et décrites par des astronomes belges ?
L’annonce de la @NASA c’est un truc qu’ils ont vraiment découvert ou bien encore un truc piqué aux européens qu’il vont s’approprier ?
— Martin Fournier (@fourniermartin) April 13, 2017
Hier encore, le buzz était un peu disproportionné. «Une lune de Saturne capable d'abriter la vie», ou «les conditions sont réunies pour la vie extraterrestre», titrent les médias anglophones. Pour le dire crûment, une étude publiée dans le journal Science indique juste qu'on a détecté de l'hydrogène dans les panaches qui s'échappent d'Encelade. Rien de plus.
Les panaches d’Encelade photographiés par Cassini, le 13 avril 2017. Photo NASA/JPL-Caltech/SSI/Kevin M. Gill, CC BY SA
Encelade est l’un des plus beaux et des plus étonnants satellites de Saturne : recouvert d’une croûte de glace, il apparaît blanc et strié de marbrures bleues, et crache des geysers liquides et gazeux qui témoignent d’une activité géologique en profondeur. Sous la glace s’étend un océan liquide.
Fin octobre 2015, la sonde américaine Cassini s'est approchée de l'un de ces panaches, au pôle Sud d'Encelade. La composition des matériaux éjectés a été analysée, et il se trouve donc qu'il y a de l'hydrogène. Or, l'hydrogène est l'ingrédient d'une réaction chimique appelée méthanogenèse : combiné à du dioxyde de carbone, il permet aux microbes terriens de produire du méthane… Ce que la Nasa résume dans sa vidéo à la formule : «L'hydrogène est une source de nourriture, c'est un bonbon pour les microbes.»
Alors, océan d’eau liquide + bonbons pour microbes = recette de la vie ? En théorie, oui, cela peut fonctionner. S’agit-il pour autant d’un indice rendant la vie sur Encelade plus probable qu’on ne le pensait ? Absolument pas. Découvrir des croquettes sur un coussin moelleux n’augmente pas les chances d’y voir naître un chat.
L'étude de Science se contente de conclure qu'on a prouvé l'existence de sources hydrothermales dans l'océan d'Encelade, c'est-à-dire des sources d'eau chaude là où le liquide interagit avec les roches du fond. Des minéraux dissous circulent alors dans l'eau et transportent le dihydrogène.
Ce qui est certain, en revanche, c'est que la mission Cassini arrive en fin de vie. A partir du 22 avril, la sonde va se donner en spectacle en plongeant entre l'atmosphère de Saturne et ses anneaux, avant de s'écraser en septembre. C'est le moment idéal pour peaufiner le bilan de sa mission. La Nasa n'oublie pas d'évoquer les signes indiquant que le satellite Europe de Jupiter crache lui aussi des geysers.
Image composite montrant de possibles panaches de matériaux éjectés d’Europe. Photo NASA/ESA/STScI/USGS
«S'il y a des panaches sur Europe, comme nous le soupçonnons fortement, on sera prêts à les étudier avec la mission Europa Clipper», avance Jim Green, directeur des sciences planétaires à la Nasa. Approuvée en 2015, elle devrait décoller vers 2022.