Menu
Libération
Ratés

Attentat aux Champs-Elysées : cafouillage dans la gestion de crise numérique

Alors que la préfecture de police conseillait sur Twitter d'éviter le quartier, l'appli gouvernementale SAIP n'a diffusé aucune alerte. Une stratégie de communication incompréhensible qui s'ajoute aux nombreux ratés de l'application.
L'application SAIP lors de l'attaque des Champs-Elysées, jeudi 20 avril. (capture d'écran)
publié le 21 avril 2017 à 13h15

A quoi sert réellement l'application SAIP ? La question se pose à nouveau aujourd'hui, alors que de nombreux internautes ont été surpris d'entendre parler d'un attentat sur les Champs-Elysées via une alerte mobile de leur journal préféré, ou pire, en regardant les chaînes télé, alors qu'ils ont téléchargé l'application gouvernementale d'alerte aux attentats spécialement pour ce genre de situations. Mais hier soir, SAIP ne s'est jamais manifestée. A tous les utilisateurs qui avaient programmé une alerte en cas de problème à Paris, l'appli n'a présenté qu'un écran vert : «Aucun incident en cours.»

France Info a demandé des explications au porte-parole du ministère de l'Intérieur, Pierre-Henry Brandet. Lequel a affirmé qu'il s'agissait d'un «choix délibéré, à partir du moment où on a eu une situation figée rapidement et que le quartier était bouclé par un très grand nombre de policiers. Il y avait d'autres vecteurs pour diffuser les messages, notamment des messages comportementaux et des conseils à la population.» Quelques minutes seulement se sont écoulées entre le début de la fusillade et la mort de l'assaillant, tué par les policiers. L'alerte serait arrivée après la disparition du danger.

Mais alors pourquoi la préfecture de police de Paris a-t-elle tweeté deux fois, à 21h06 puis à 21h20, qu'il fallait éviter le quartier des Champs-Elysées, pendant que les forces de l'ordre fermaient le métro et évacuaient les rues ? Les utilisateurs de SAIP ne sont pas forcément branchés sur Twitter, et inversement. Soit la situation nécessite de faire passer rapidement une consigne à la population, et l'usage simultané de tous les outils numériques est alors crucial, soit l'objectif est d'éviter une panique inutile et on ne conseille pas de contourner les Champs… Mais une stratégie de communication contradictoire telle qu'on l'a observée jeudi soir laisse difficilement penser que le gouvernement français maîtrise sa gestion numérique de crise.

Par ailleurs, il existe même une norme internationale de diffusion d'alerte sur tous les téléphones d'une zone définie, le Cell Broadcast, mais la France ne l'utilise toujours pas.

Le cafouillage des Champs-Elysées s'ajoute à la liste de ratés que cumule déjà l'application à 400 000 euros lancée en juin 2016. Un mois après sa sortie, elle restait désespérément muette le 14 juillet alors que Nice vivait un cauchemar. L'alerte aurait dû partir, mais il y a eu une «faille technique» qui devait être rapidement résolue. En septembre, SAIP a voulu se rattraper et a sonné l'alarme trop vite : l'attentat annoncé dans une église rue Saint-Denis à Paris était une fausse alerte.

Bilan : SAIP a suffisamment poli son image de boulet pour que des plaisantins lui créent, hier sur Twitter, un compte parodique. «Si vous souhaitez avoir des informations sur l'état actuel des choses aux #ChampsElysees, merci de regarder les chaînes d'information.» Ou encore : «Veuillez nous excuser pour hier, Maurice était déjà au lit et n'a pas allumé la TV pour avoir l'info et lancer l'alerte #ChampsElysees». La critique est cruelle, mais l'incompréhension réelle.