Le nouveau gouvernement joue au pompier sur tous les fronts sociaux. Après s'être rendu vendredi au chevet d'Arc International, avec dans ses bagages une recapitalisation expresse de 35 millions d'euros obtenue grâce à la garantie de l'Etat, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé dimanche soir une bonne nouvelle aux 279 salariés du sous-traitant automobile GM&S. Ces derniers risquaient de perdre leur emploi avec une menace de liquidation imminente de leur entreprise située à La Souterraine, dans la Creuse, faute de nouvelles commandes. Mais l'usine, qui fabrique des pièces d'emboutissage pour les constructeurs automobiles, va finalement bénéficier «d'engagements supplémentaires» de la part de ses deux principaux commanditaires, PSA et Renault, a indiqué Bercy dans un communiqué.
Arguant de sa position de représentant de l'Etat actionnaire (ce dernier détient 19,74 % de Renault et 12,7 % de PSA), Le Maire a téléphoné ce week-end aux deux «Carlos» - Ghosn, le PDG de Renault, et Tavares, celui de PSA - pour leur demander expressément «de s'engager sur un montant de commandes supplémentaires». Un coup de fil fructueux : PSA a promis d'augmenter ses commandes «de 10 à 12 millions d'euros» et Renault s'est engagé à doubler les siennes «de 5 à 10 millions». De quoi fournir à GM&S un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros en 2017, permettre «la continuation de l'exploitation de l'entreprise» et «la poursuite des discussions avec les repreneurs», souligne Bercy.
Simple comme un coup de fil
Exactement ce que demandaient les représentants syndicaux de GM&S, qui avaient rencontré vendredi le ministre de l'Economie et son directeur de cabinet, Emmanuel Moulin, vendredi à Bercy. Et précisément ce que Jean-Luc Mélenchon, venu soutenir les salariés de La Souterraine le 16 mai dernier, avait suggéré au nouvel exécutif : «Personne ne peut dire que l'on n'y peut rien, les deux commanditaires Renault et PSA ont un actionnaire qui s'appelle l'Etat, si donc les décideurs publics le veulent, la situation peut être réglée en deux coups de téléphone», avait alors lancé le chef de file de la France Insoumise devant les caméras…
C'est donc chose faite et il était moins une : ce mardi, le tribunal de commerce de Poitiers s'apprêtait à liquider l'entreprise faute de liquidités et de commandes suffisantes et les salariés de GM&S, qui ont piégé symboliquement leur usine avec des bonbonnes de gaz au début du mois, menaçaient de «tout faire péter». Soucieux d'éteindre l'incendie, le gouvernement a donc choisi de déminer cette bombe sociale en puissance en urgence et de diffuser l'information auprès des rédactions sans même se fendre d'un appel aux 279 salariés, restés sur le site de leur usine tout le week-end…
La colère des ouvriers de GM&S aura en tout cas produit l'effet escompté : braquer toutes les caméras sur ce site, symbole des souffrances d'une France à l'arrêt face à la France En marche. Au point d'en faire un baptême du feu social pour Emmanuel Macron, à peine installé à l'Elysée. Vendredi à Bercy, les représentants syndicaux de GM&S avaient pu plaider la cause de leur usine face à Bruno Le Maire, rentré de toute urgence de son déplacement à Arques, dans le Pas-de-Calais, pour les rencontrer. «Nous avons pu rétablir une forme d'équilibre de la parole», estime Vincent Labrousse de la CGT qui soupçonnait que le cabinet du ministre «avait déjà discuté avec les constructeurs».
La balle est dans le camp des repreneurs
Le ministre de l'Economie, qui avait reconnu à cette occasion la dimension sensible et politique du dossier, s'était, selon les élus des salariés, «engagé à contacter personnellement Carlos Ghosn et Carlos Tavares.» Promesse aura été tenue, puisque les engagements de commandes annoncées dimanche soir, 25 millions d'euros au total sur l'année 2017, sans garantir l'avenir de l'entreprise (second employeur du département), devraient permettre d'obtenir un délai supplémentaire en vue d'une reprise du site. A Bercy, on estime que «le risque de liquidation judiciaire est désormais écarté», tout en précisant que «la balle est désormais dans le camp des repreneurs» potentiels. En l'occurrence, le leader français de l'emboutissage GMD, et son concurrent Magneto…
En effet, mardi le tribunal de commerce de Poitiers doit réexaminer la situation de l’entreprise. Là où le bât blesse, c’est que les sommes débloquées par la région Nouvelle Aquitaine pour soutenir la trésorerie de GM&S ne permettront de couvrir ses frais que jusqu’à fin mai. Or, pour permettre aux éventuels repreneurs de mettre sur pied une proposition, c’est de temps dont les ouvriers de GM&S ont surtout besoin. Le temps nécessaire pour négocier des volumes de commandes fermes avec les constructeurs français et bâtir un plan de reprise sérieux, que les ouvriers veulent pérenne.
Ces six mois de prolongation qu'entendent demander les salariés et leur avocat mardi au tribunal, le ministère de l'Économie vient de les leur offrir. En effet, dans le communiqué diffusé dimanche soir, Bercy a annoncé que PSA et Renault s'étaient engagés à augmenter leurs volumes de commandes jusqu'à la fin de l'année, de quoi assurer «la continuité de l'exploitation de l'entreprise et la poursuite des discussions avec les repreneurs» croit savoir le ministère.
Les salariés restent méfiants
De quoi également étonner les salariés restés sur place pour occuper le site tout le week-end. «Nous sommes surpris car nous n'avons pas été contactés par le ministre ou son équipe qui ont choisi de diffuser cette information auprès des médias avant de nous en informer.» Etonnés également de «découvrir que ce qui était purement impossible d'après les constructeurs depuis décembre, est devenu soudainement possible en une discussion avec le ministère.»
La prudence est donc de mise du côté des représentants des salariés, qui insistent sur le fait qu'il s'agit «d'un sursis, même si nous voulons croire que par cette démarche PSA et Renault confirment qu'ils souhaitent continuer de travailler avec nous, ce qui est de nature à rassurer les éventuels repreneurs.» Echaudés par les déclarations contradictoires de leurs deux principaux donneurs d'ordre depuis le placement en redressement judiciaire de GM&S en décembre, les salariés maintiennent néanmoins leur occupation du site, ainsi que l'appel national à manifester ce mardi à 15 heures devant le tribunal de commerce de Poitiers.