«J'accuse Peugeot et Renault de non-assistance à département en danger.» C'est sur ce cri du cœur du député et maire socialiste de Guéret (Creuse), Michel Vergnier, que s'était achevée mardi la manifestation organisée par les 279 salariés du sous-traitant automobile GM&S, dont l'usine est menacée de liquidation judiciaire à La Souterraine. Sous l'objectif des médias nationaux, leur mobilisation avait reçu le renfort de soutiens d'envergure, candidats malheureux à la présidentielle.
Le porte-parole du NPA, Philippe Poutou, avait ainsi appelé «à renverser le rapport de force» qui oppose depuis décembre le petit fournisseur de pièces automobile et les deux principaux constructeurs français. Renault et PSA représentent à eux seuls 64% du chiffre d'affaires de GM&S. Quant au chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, il avait estimé que l'Etat, actionnaire de référence des constructeurs, n'avait «que deux coups de téléphone à passer» pour obtenir les 5 millions d'euros d'engagement de commandes supplémentaires qui permettraient de sauver le second employeur du département.
«Equilibre de la parole»
La colère des ouvriers de GM&S, réduits début mai à «piéger» symboliquement leur usine avec des bonbonnes de gaz, aura en tout cas produit l'effet escompté : braquer toutes les caméras sur ce site, symbole des souffrances d'une France à l'arrêt face à la France En marche. Au point d'en faire un baptême du feu social pour Emmanuel Macron, à peine installé à l'Elysée. Signe que le nouvel exécutif veut déminer à tout prix cette bombe sociale potentielle, les représentants syndicaux de GM&S ont été reçus vendredi après-midi à Bercy par Emmanuel Moulin, le directeur de cabinet du nouveau ministre de l'Economie, Bruno Le Maire qui, pour sa part, s'était rendu le matin même au chevet de l'entreprise Arc International, dans le Pas-de-Calais.
Pendant deux heures, les salariés ont pu expliquer l'historique des déboires de leur usine et, confesse Vincent Labrousse de la CGT, «rétablir une forme d'équilibre de la parole», soupçonnant que le cabinet du ministre «avait déjà discuté avec les constructeurs» dont dépend l'avenir de GM&S. L'échange «tendu au départ», s'est apaisé, selon lui, avec l'arrivée inopinée de Bruno Le Maire, tout juste rentré de son déplacement dans le Nord.
«Que des promesses»
Le ministre de l'Economie, qui a reconnu la dimension sensible et politique du dossier, s'est, selon les élus des salariés, «engagé à contacter personnellement Carlos Ghosn et Carlos Tavares, dans le week-end pour leur demander de rendre la charge de travail soustraite au site de La Souterraine». Sans être rassuré, «car à ce jour nous n'avons que des promesses», Vincent Labrousse estime que les élus du CE «ont quitté Bercy satisfaits de la présence du ministre, ce qui nous laisse penser que les conditions sont réunies pour aboutir à une sortie de crise». Sauf contre-ordre, le préfet de la Creuse, Philippe Chopin, s'est d'ailleurs engagé pour sa part à recevoir les syndicats dès ce lundi matin, pour faire le point sur les discussions du week-end.
Pour autant, la menace n'est pas levée sur l'avenir du site. Dans un communiqué lapidaire diffusé vendredi soir, Bercy s'est certes engagé à déployer les efforts nécessaires «pour garantir l'accroissement des commandes», en précisant que la pérennité du site «devra s'accompagner d'une adaptation de l'entreprise aux conditions et standards de la concurrence». Un point qui «n'a pas été évoqué dans la discussion», mais que les salariés de GM&S partagent, mais à deux conditions, prévient Vincent Labrousse de la CGT : «Que soient réalisés les investissements promis par tous les repreneurs passés ici depuis trente ans, et que les emplois qui rendront possible les transferts de technologies soient maintenus.»
Mardi, les ouvriers de GM&S se retrouveront donc plein d’espoir à 15 heures devant le tribunal de commerce de Poitiers, pour faire entendre leur voix. Ce dernier doit en effet statuer sur l’avenir immédiat du site. Le risque serait celui d’une liquidation pure et simple faute de financements. Mais grâce à la médiatisation de leur combat, les salariés et leur avocat comptent bien obtenir une prolongation de la période d’observation, qui a jusque-là évité la fermeture de leur entreprise. De fait, tous les acteurs du dossier (Etat, repreneurs potentiels, constructeurs et salariés), ont intérêt à ce qu’une solution satisfaisante soit trouvée d’ici fin juin pour sauver GM&S.