Menu
Libération
Législatives

Soirée télé : «C’est toi qui sors avec ma sœur de 16 ans, sale bâtard ?»

Plateau télé électoral pour les législatives devant TF1, BFM TV, NT1 et France 2 et 3.
Soirée électorale sur BFM TV. (Capture d'écran)
publié le 11 juin 2017 à 21h05
(mis à jour le 11 juin 2017 à 22h44)

19 heures. BFM TV. Petit moment surréaliste pour commencer la soirée électorale. Alors que le reporter de BFM, Jean-Rémi Baudot, commentait le duel Cambadélis-Mahjoubi dans le XIXe arrondissement de Paris, quelqu'un vient l'apostropher : «C'est toi qui sors avec ma sœur de 16 ans, sale bâtard ? C'est toi qui sors avec ma sœur de 16 ans ?» La caméra s'arrête et heureusement que Christophe Barbier est là en plateau pour nous expliquer comme si de rien n'était que le PS va perdre beaucoup d'argent. On essaye de vous tenir au courant de cette histoire familiale.

19h07. BFM TV. Ouf, Jean-Rémi Baudot «va bien», nous dit le présentateur. «On le retrouve très vite après ce petit incident.» Rappelons que, selon la loi, s'il n'a pas de rapport d'autorité avec ladite adolescente, ils ont le droit d'avoir une liaison (mais on est certain que c'était faux, bien sûr).

19h11. NT1. C'est Super Nanny sur le chaîne de la TNT, on ne savait pas que le programme avait repris. Lucas fait des caprices, il ne veut pas manger son petit-déjeuner. Nolan, le cadet de 5 ans, ne veut pas se laver. Il est prêt pour aller à Notre-Dame-des-Landes.

19h16. France3. «Emouvant». «Un Régal.» «Quand on sait ce que Johnny traverse.» Sur France3, on n'a pas encore commencé la soirée électorale et on préfère parler d'un concert du plus grand chanteur francophone et d'une épicerie communautaire dans les Cévennes. Chouette.

19h20. TF1. Fin du flash info pour TF1 qui ne juge pas bon de tenir le direct jusqu'à 20 heures et nous annonce, tranquillement, qu'ils reviendront dans 40 minutes.

19h20. BFM TV. Même Eric Brunet est en petite forme et n'arrive pas à s'indigner sur BFMTV, expliquant qu'En marche va avoir une écrasante majorité et puis voilà. A Montreuil, dans un bureau de vote, la journaliste Laetitia Soudy trouve le temps très très long. Il n'y a personne ou presque. Au moins Alexis Luyette n'a pas fait semblant et est allé à la plage à Marseille. Filmer à mi-hauteur, cela permet de cacher son maillot de bain. «Les gens préfèrent prendre du plaisir», nous dit une dame. «J'en rêve de me baigner», s'enthousiasme Anna Cabana. «Vous êtes en maillot d'ailleurs», répond Barbier. On se marre, on se lac même (vous l'avez ?).

19h27. TF1. On n'avait rien compris, en fait TF1 parle toujours de politique. «Raquel Garrido, porte-parole de La France insoumise vient d'arriver dans les locaux», nous dit Anne-Claire Coudray. Il faut bien broder en attendant 20 heures.

19h30. Twitter. L'excellent Philousport (lire son portrait) nous dit que le perturbateur de Jean-Rémi Baudot est un habitué de ce genre d'interventions. Pas d'histoire de sœur alors…

19h34. BFM TV. On risque d'avoir des députés illégitimes, s'inquiète Barbier devant l'abstention. Avec une Assemblée, gérée par «les fonctionnaires» (les grands méchants). Heureusement qu'il est là pour donner un peu d'importance au scrutin parce qu'on a l'impression que tout le monde s'en fiche, sinon.

19h36. NT1. Super Nanny toujours avec Lucas et Nolan qui font des siennes à la plage. «Les heures en famille se transforment en cauchemar», affirme la voix off. Karine, la mère, se confie à Super Nanny. «Ma jeunesse a été dure. Ma mère était très stricte.» «Est-ce que c'est pour ça que vous avez du mal avec l'autorité ?» analyse Super Nanny. Elle pleure. Elle dit qu'elle a du mal à s'occuper d'Alexis, le troisième garçon. «On va essayer de renouer ces liens, que chacun retrouve sa place.» Super Nanny devrait s'occuper du PS.

19h48. BFM TV. Apolline de Malherbe : «Ceux qui vont rester à LR, c'est la ligne dure. Wauquiez rêve de prendre le parti.» Notons sa superbe veste jaune canari, probablement une fan du FC Nantes. Là, encore, «une personnalité atypique» à Amiens avec le trublion François Ruffin, note sans transition le présentateur, Alain Marschall. Le fondateur du journal Fakir affronte notamment le comédien Franck de Lapersonne (si, si, à lire son portrait au moment du ralliement au FN).

19h58. TF1. Le suspense monte à «deux minutes à peine» de l'annonce des premiers résultats. Chez LR, «il y a beaucoup de tensions. Les militants d'ailleurs n'ont pas été conviés pour pas ajouter à la tension». Pour pas être dans la lose total, oui.

20 heures. TF1 ne fait pas semblant. Musique inquiétante, c'est l'avenir du quinquennat qui se joue, la réponse dans quelques courtes secondes, encore une musique pour le suspense, et, les résultats… Victoire écrasante, a priori, d'En marche, c'était annoncé mais cela reste impressionnant. Selon les estimations de TF1, En Marche et le Modem seraient à 32,9%, LR 21,5% tandis que le FN et les Insoumis s'effondrent par rapport aux résultats de la présidentielle. Mine de rien, le PS et les écolos remontent.

20h03. TF1. Castaner, porte-parole du gouvernement, intervient en premier, et note la grande abstention. Pareil chez Pécresse (LR) : «Je suis très préoccupée par le fait qu'un Français sur deux ait voté. J'appelle à un sursaut citoyen.» C'est effectivement bientôt le début des grands meetings d'athlétisme. Rachline, FN, garde son sourire de bouddha mais c'est la cata : «Nous pâtissons de cette abstention. Le second tour peut changer les choses.»

20h09. BFM TV. Delevoye, d'En marche, incarne l'homme sage : «Ce résultat nous amène à beaucoup d'humilité et à énormément de responsabilités.» Pour Jérôme Guedj (PS), «ça reste douloureux. Vous parlez de déferlante mais on pourrait parler de tsunami. Il y a un deuxième tour. […] On ne peut pas imaginer qu'une sorte de trou noir gigantesque qui s'appellerait En marche ait avalé tous les partis». Dati, (LR) toujours la bonne pique : «Delevoye est en marche depuis pas longtemps, il était avec nous avant.»

20h14. NT1. Les deux petits garçons se prennent dans les bras et pleurent. Alexis est hypersensible et se sentait mal aimé. «Ses parents comprennent enfin l'ampleur de la souffrance.» On attend la même réconciliation entre Dati et Delevoye sur le plateau de BFM.

20h16. BFM TV. «Priorité au direct.» On découvre l'existence de Catherine Barbaroux, la présidente par intérim d'En marche. «Au nom de La République en marche, je souhaite remercier tous les Français qui ont participé au premier tour des élections législatives et tout particulièrement ceux qui ont voté pour notre mouvement. Le résultat du premier tour doit nous appeler à l'humilité et à la responsabilité.» Humilité, c'est l'élément de langage ce soir chez les gagnants. Pendant ce temps-là, le ministre de l'immobilier et des mutuelles, Richard Ferrand, fait environ 34%. Tranquille.

20h20. Canal+. Message de mes parents qui, dégoûtés du résultat, ont zappé sur le Grand Prix du Canada sur Canal+ (Hamilton est en tête). Probablement ivres, ils ont pourtant voté En marche cet après-midi. Va comprendre.

20h21. BFM TV. Cambadélis, le président du PS, dont on ignore encore les résultats dans le XIXe à Paris, prend la parole. «C'est le signe d'une grande fatigue démocratique», et il a l'air lui aussi très très fatigué. Pour habiter dans son quartier, on peut vous dire que ça va être tendu de la carte d'électeur pour lui. Delevoye tente de réagir sur le plateau mais Dati l'interrompt : «Vous étiez au RPR avant que je sois née.» «Ne soyez pas désagréable, s'il vous plaît, j'ai beaucoup de respect pour vous», répond Delevoye. «C'est désagréable de dire que vous étiez au RPR ?» minaude-t-elle. Puis, elle parle, s'agace contre tout le monde «Est-ce que je peux reprendre la parole s'il vous plaît», tente son adversaire. «Priorité au direct, Baroin prend la parole», interrompt le présentateur.

20h31. France 3. La chaîne s'intéresse à Benoît Hamon, à Trappes, tout à fait en danger. «Il espérait un sursaut de participation et c'est très mal parti, dit le reporter sur place. Dans les Yvelines, plus largement c'est un bastion conservateur, et la vague En marche pourrait piétiner des poids lourds comme Douillet (le judoka) et Poisson. Aurore Bergé, l'adversaire de ce dernier, va-t-elle noyer le poisson ?» On passe ensuite à Evry pour s'occuper de l'autre grand perdant du PS, Valls, qui n'avait pas de candidat En marche en face de lui, mais «le danger pourrait venir de La France insoumise. Ils seraient candidats au tour à tour». Puisqu'un plaisir ne va jamais seul, Dupont-Aignan est aussi annoncé en difficulté. Wallerand de Saint-Just (FN) minimise le résultat : «C'est plus compliqué pour tout le monde à cause de Monsieur.» Macron, le nouveau Voldemort, l'homme dont on ne doit pas prononcer le nom.

20h42. TF1. «L'élection attire très peu les Français, se demande Coudray. A qui la faute ?» Vaste question. Bouleau interrompt Garrido pour donner des résultats. Bareigts, Pinel, le juge Halphen, en bonne position. «Rien n'est joué», veut croire Valérie Pécresse, il y aura un second tour qui est contre «le Parlement monocolore», appelant à une opposition «libre de voter ou de ne pas voter» les lois au gouvernement. Puis elle commence à raconter qu'elle a négocié avec les communistes d'Ile-de-France pour la fabrication des pièces détachées du RER en France. Pécresse en mode Interrail.

20h48. BFM TV. Cette vieille cannaille d'Hortefeux «exige des débats publics pour expliquer la différence entre LR et En marche. Nous voulons être modernes, confronter nos idées et nos projets». «Vous faites fi de ce que les électeurs ont demandé ce soir», répond le présentateur.

Ah, «priorité au direct, on écoute Jean-Luc Mélenchon». L'Insoumis prend la parole à Marseille : «Les résultats montrent une situation politique totalement instable et en trompe-l'œil. L'abstention montre qu'il n'y a pas de majorité pour réduire le code du travail […] Pour autant, le pays n'a pas cru qu'il était possible de faire autrement.» Mais BFM TV le coupe pour diffuser Ferrand qui intervient lui aussi. Dur. Le meilleur loueur de Bretagne explique, évidemment, «qu'il faut rester humble».

21h04. BFM TV. «Il n'y a pas eu de débat, il n'y a pas de dynamique contrairement à 2007 où de nombreux députés avaient été élus au premier tour», dit Morano, furieuse, comme à son habitude. «Il y a 400 candidats qui sont arrivés en tête, donc bon», répond Arnaud Leroy, le porte-parole d'En marche, qui refuse de couronner son adversaire.

21h10. TF1. Damned, on ne regarde pas la première chaîne pendant vingt minutes et la soirée électorale est terminée. Brève. La météo commence : 15 degrés demain matin à La Rochelle.

21h10. Chouette, sur NT1, comme un symbole, c'est désormais Spider-Man qui est diffusé. «Ces adolescents, bourrés d'hormone», s'amuse l'oncle de Peter Parker et il parle sûrement de la jeunesse d'En marche. L'occasion de rappeler une phrase clé de ce soir : «Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.»

21h15. TF1 diffuse les Bronzés. Ambiance «sea, sex and sun». L'absence de respect pour cette élection législative est totale.

21h25. Sur France 2, la soirée électorale continue. «C'est une vraie révolution qui est En marche», demande Laurent Delahousse, comme toujours drôle, original et plein d'esprit. Puis, remarque sexiste de Léa Salamé contre elle-même, après s'être trompée sur un horaire : «Les femmes ne savent pas donner l'heure, que voulez-vous.» «Pourquoi n'y a-t-il pas un engouement», demande-t-elle. «Il y a eu une campagne extrêmement longue, de la fatigue», analyse Castaner (EM). On confirme.

«Il y aura énormément de jeunes députés de 25 à 35 ans», s'enthousiasme-t-il. «Mais combien y aura-t-il d'ouvriers, des gens qui gagnent moins de 1 500 euros ?» l'alpague Pierre Laurent (PC). «Il n'y a donc pas vraiment de renouvellement», intervient brillamment Laurent Delahousse.

21h30. France 2. Gilbert Collard, député FN, sortant : «Ça fluctue les résultats. De temps en temps je suis en tête, de temps en temps, non. Cela dit je m'en fous.» «Ça va faire plaisir à vos électeurs que vous vous en foutiez», rétorque Delahousse. «Je me moque de l'incertitude, ne soyez pas trop méchants avec moi. Je me battrai jusqu'au bout», dit l'autre. «Où sont passées les voix du FN ?» s'interroge Léa Salamé. «Ecoutez, c'est très décevant, reconnaît l'avocat. Monsieur Macron est un hypnotiseur, il faut qu'on se réveille.» On l'a connu plus outrancier.

 21h44. BFM TV. Enfin, le plus célèbre analyste de la chaîne, Florian Philippot. Il minimise les dégâts pour le FN : «Les cartes peuvent être complètement rebattues pour le deuxième tour.» Poker face.

21h48. France 3. La chaîne des régions permet de faire le point, pour nous, sur l'Ile-de-France et de découvrir tous les futurs députés dont on a jamais entendu parler. En Seine-et-Marne, l'une des candidates en tête, pour En Marche, s'appelle Décès. MDR.

21h54. BFM TV. Pécresse continue de faire la tournée des téloches et, il faut bien le dire, radote : «J'ai des oppositions très puissantes, ça fait de moi une meilleure présidente. Par exemple, quand on a commandé les nouveaux RER…» Puis la chaîne commence déjà à repasser les déclarations des ténors de la soirée. «La France est de retour» de Philippe, Baroin, Le Pen.

22 heures. BFM TV. Petit point sur le XIXe arrondissement. Mounir Madjoubi d'En marche est largement en tête et affrontera la candidate de La France insoumise, Sarah Legrain. Cambadélis, comme prévu, fait seulement 10%. «C'est la fin d'un règne», commente notre chouchou Jean-Rémi Baudot.

Sur le plateau, on commence à faire des blagues, entre perdants, puisqu'il n'y a aucun représentant du parti de Macron. C'était mieux avant, semblent-ils nous dire. Pécresse, tente le tout pour tout : «Si avec Fillon on avait gagné, on n'aurait pas souhaité une majorité pareille. […] Ils ne seront pas cumulards, ils vont être 400 à 100% à l'Assemblée.» Pendant ce temps-là, NKM est annoncée «en mauvaise passe». Pour le PS, aussi, c'est la catastrophe à Paris avec seulement Pau-Langevin en position de se qualifier pour le deuxième tour. Elle avait été préservée par En marche.

22h11. NT1.

Spider-Man sauve Mary Jane Watson d’une chute mortelle.

«Mais qui êtes-vous ?»

demande-t-elle.

«Vous savez qui je suis… Je suis l’araignée.»

Ah mince, c’est en VF.

22h21. BFM TV. Pécresse en boucle sur l'Ile-de-France : «Je ne serai pas devenue présidente de région si je n'avais pas été douze ans dans l'opposition. On apprend, on se bonifie.» Et là, c'est le drame : priorité au direct, zoom sur Najat Vallaud-Belkacem qui arriverait deuxième dans sa circo avec un peu plus de 16% des suffrages, derrière le candidat En marche. Décidément, plus rien ne va.

22h30. BFM TV. Retour sur le plateau et Jean-François Copé, qui fait toujours de la politique apparemment, est arrivé, tout comme Raquel Garrido qui est «très fière». Pour l'homme de Meaux, «la seule solution c'est de rééquilibrer les choses. L'opposition ne va pas se jouer maintenant mais la prochaine fois. Il y a toujours une prochaine fois». C'est beau, surtout que le philosophe en herbe ne s'arrête pas: «A un moment il va y avoir les douze coups de minuit, le carrosse va se transformer en citrouille.» Et de terminer avec cette angoisse existentielle, qui, nul doute, anime la plupart des perdants de la soirée et des habituées de la popote télévisuelle : «Et qui y aura-t-il à la télévision ? J'espère que maintenant qu'on ne sera plus députés, on aura encore le droit d'être invités.» «On se reverra», comme dit le bouffon vert dans Spider-Man et ça fait un petit peu peur.

Bonus de 23H50. BFMTV. Guaino qui se présentait à Paris contre NKM (LR) et Legendre (LREM) a explosé en vol, parlant d'électeurs «à vomir», de «bobos égoïstes» et de «bourgeoisie traditionnelle de droite, qui va à la messe, qui envoie ses enfants aux catéchismes […] un peu pétainiste, vous savez tous ces gens qui ont voté à la primaire de la droite». Respect: une bien belle entrée dans l'histoire des suicides politiques télévisuels.

Allez, salut, et, comme dit Guaino, enfin «libre».