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Bercy cherche à sauver GM&S en poussant la solution GMD

Le tribunal de commerce de Poitiers doit se prononcer vendredi sur l'avenir du sous-traitant automobile creusois. Les 277 salariés craignent la liquidation, mais la décision serait repoussée au 30 juin pour permettre à l'industriel GMD de faire une offre.
Rassemblement des salariés de la société GM&S devant Bercy, Paris, le 16 juin. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 22 juin 2017 à 18h29

Liquidation ou sursis : vendredi matin, le tribunal de commerce de Poitiers aura à nouveau à statuer sur l'avenir immédiat de GM&S, sous-traitant automobile creusois. D'après Bercy, l'industriel stéphanois GMD, l'un des principaux concurrents de GM&S, s'intéresse à l'usine de La Souterraine et ira bien au bout de sa démarche en déposant une offre de reprise. Le groupe est un acteur important de la sous-traitance automobile avec un chiffre d'affaires de plus de 650 millions d'euros et 3 700 salariés dans le monde. Aussi, le ministère de l'Economie a bon espoir de voir le tribunal de commerce de Poitiers reporter sa décision à la fin du mois pour laisser le temps à GMD de finaliser sa proposition. Mais les salariés, qui bloquent à nouveau l'usine, croient savoir que l'hypothèse d'une liquidation n'est toujours pas exclue.

Motus et bouche cousue : alors qu'approche l'épilogue, avec une audience fatidique vendredi matin au tribunal de commerce de Poitiers, les porte-parole du sous-traitant automobile creusois, pourtant si diserts jusqu'ici, resserrent leur communication. «Je ne peux pas entrer dans les détails de la discussion, l'enjeu est trop important pour prendre le risque de faire capoter les négociations», confessait le cégétiste Vincent Labrousse jeudi après-midi au sortir du ministère de l'économie. La conviction est intacte, mais les salariés sont essoufflés, tout comme la trésorerie.

120 salariés repris ?

A cette heure, GMD, qui selon Bercy s'apprêterait à déposer une offre en bonne et due forme, n'a fait qu'une lettre d'intention évoquant une reprise autour de 120 salariés, quand les syndicats en demandent 240 au moins sur les 277 que compte encore l'entreprise. Faute d'offre ferme, le tribunal de commerce, dont les prérogatives se limitent à juger de la viabilité des finances de l'entreprise, serait en capacité, vendredi, de prononcer la liquidation. En effet, le temps presse, car l'aide débloquée par la Nouvelle-Aquitaine pourrait être insuffisante et l'inquiétude pèse sur la capacité de l'entreprise à payer les salariés dans huit jours.

Hypothèse irrecevable pour les élus du personnel, mais qui plane néanmoins dans l'air. La désertion des mandataires judiciaires, absents lors du comité d'entreprise haut en couleur qui s'est tenu mercredi, et qui devaient à cette occasion faire connaître le sens de ce qu'ils plaideront à Poitiers, n'est pas pour rassurer. «Je suis persuadé qu'ils vont demander la liquidation, sinon pourquoi ne pas avoir eu le courage de venir», s'inquiète un ouvrier. Faux pour l'entourage du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, qui rétorquait jeudi soir que «selon toute vraisemblance, l'administrateur judiciaire devrait demander au président du tribunal de mettre la décision en délibéré au 30 juin», ce qui permettrait à GMD de «consolider son offre».

Cellule de crise

Ecrasé sous le poids de ce qu'ils vivent comme un mépris, il s'en est fallu de peu, ce mercredi, pour que la colère des salariés n'emporte tout sur son passage. «Les gars sont devenus fous, certains voulaient foutre le feu», résume un syndicaliste. Faute de résultat concret depuis sa mise en place par Emmanuel Macron, la cellule de crise pilotée par Bercy a su réagir en proposant aux syndicalistes une rencontre jeudi, en lieu et place de l'audioconférence offerte initialement. Ainsi, une délégation d'une dizaine de représentants de l'entreprise a-t-elle été reçue hier. Officiellement, Vincent Labrousse rapporte une discussion ferme, mais franche sur le fond. «Je peux dire qu'une nouvelle phase de négociations s'ouvre sous la houlette du ministère. Il est trop tôt pour en dire plus, sinon que la balle est dans le camp des constructeurs.»

Officieusement, d'après nos informations, les syndicalistes ont demandé à l'Etat de peser de tout son poids pour obtenir que la période d'observation soit repoussée au 30 septembre, arguant d'une part que seul le temps permettra une véritable mise en concurrence des offres de reprises, et surtout que laisser un industriel s'installer aux commandes de l'usine en pleins congés d'été, quand les constructeurs ralentissent la cadence, reviendrait à l'handicaper dès le début. Renault et PSA pèsent pour plus des deux tiers des commandes de GM&S… Argument auquel le ministère aurait été réceptif. Reste à convaincre les deux géants automobiles français de contribuer à soutenir la trésorerie de l'entreprise pendant cette période. C'est la négociation marathon qui va occuper Bercy pendant les prochaines heures.