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Libération
Reportage

GM&S : «Une victoire, c'est quand il n'y a aucun licenciement. On va continuer»

La liquidation avec poursuite d’activité prononcée vendredi matin doit servir de tremplin vers de nouvelles actions, jugent les salariés du sous-traitant automobile creusois qui restent mobilisés.
Les salariés de GM&S avec leur avocat, Jean-Louis Baurie, à La Souterraine, le 30 juin. (Photo Pascal Lachenaud. AFP)
publié le 30 juin 2017 à 18h19

Le siège de l’usine creusoise GM&S par ses salariés continue. Au fond de l’impasse du Cheix, à La Souterraine, c’est presque un décor de cinéma. Bordé de locaux professionnels ordinaires, l’entrée de l’usine est barrée de presses industrielles de plusieurs tonnes installées là pour bloquer les véhicules. A leurs flancs sont plantés les drapeaux rouges de la CGT. Allégorie de sept mois de lutte sociale creusoise, ils sont lourds et délavés par l’eau qui tombe, et noircis par les feux qui flambent jour et nuit. Engagé dans un bras de fer avec les constructeurs français et l’Etat depuis le 2 décembre, le sous-traitant automobile n’en est plus à un coup de théâtre près.

Après trois jours de négociations marathon avec Bercy, «l'arlésienne» est finalement arrivée avec l'offre de reprise partielle de GMD jeudi soir (120 des 277 salariés actuels), une poignée d'heures avant le délibéré du tribunal de commerce. Ce dernier en aura tenu compte à minima, en prononçant vendredi une liquidation avec poursuite d'activité jusqu'au 21 juillet. Une respiration pour les salariés qui entendent en profiter pour reprendre de l'élan. «Ça va pas nous mettre la tête sous l'eau plus qu'on ne l'a déjà. On va continuer à se serrer les coudes encore plus fort et dire simplement que si c'est le dernier virage, alors on va en sortir comme une balle», a lancé le cégétiste Yann Augras, sous les applaudissements nourris de ses collègues. Depuis six mois, ces derniers n'ont pas une seule fois contesté la stratégie de leur syndicat.

«Forcer le destin»

S'adressant aux ouvriers, Me Jean-Louis Borie, avocat des salariés qui depuis plusieurs semaines alterne les allers-retours entre le conflit des GM&S et celui de la Seita à Riom, leur a lancé : «Si on reprend l'histoire, en décembre, Peugeot avait décidé de tuer GM&S en lui coupant les vivres. Vous vous êtes battus et en huit mois vous avez obtenu la survie du site. C'est une victoire. J'en ai la conviction : si rien n'avait été fait, en janvier l'usine fermait. Vous avez gagné 120 postes, à vous de continuer pour en garder plus et pour que la négociation initiée à Paris se poursuive.»

Le sous-texte est celui de l'indemnisation, une question de principe pour les salariés qui n'ont pas obtenu que les partants quittent l'entreprise avec davantage que le minimum légal. Ni GMD ni les constructeurs n'ont accepté de mettre la main à la poche. Et leur avocat de les exhorter au combat : «C'est à vous, en poussant plus fort, de forcer le destin, parce que, juge-il, quand on est à 60% client d'une entreprise, on n'est plus un client, on est un patron : donc ceux qui ont mis GM&S dans cette situation ce sont les constructeurs qui lui ont pris son chiffre d'affaires pour l'affecter ailleurs. Je crois qu'il faut qu'ils comprennent qu'il est indispensable qu'ils mettent la main à la poche pour indemniser les blessés.»

Vue de la Souterraine, le combat continue donc. «Pour moi les négociations viennent tout juste de commencer, car tout le monde a enfin pris la mesure de ce qui se passe ici», résume Patrick Brun, alias P'ti Lu, l'un des salariés présents à Paris pendant les négociations. Une ligne que, semble-t-il, partage la cellule de crise à Bercy, qui a donné rendez-vous aux élus du personnel dès la semaine prochaine. «Une victoire c'est quand il n'y a aucun licenciement. Alors on a beau avoir des coups de fatigue, ce genre de nouvelles, ça me booste pour continuer, poursuit Patrick Brun. Ce que je veux, c'est que les gens ici restent libre de leur choix et c'est pour ça que je me bats : pour que ceux qui restent et ceux qui partent puissent le faire librement.» 

«On n’est pas mort»

L'Etat a, de l'aveu des syndicalistes, œuvré réellement et activement à lever les conditions suspensives posées par GMD, notamment en négociant pour lui un plan d'investissement de plus de 10 millions d'euros. Numéro un de l'emboutissage en France, ce groupe stéphanois devrait apporter 5 millions d'euros supplémentaires. Une décision de nature à l'installer aux yeux des salariés comme un interlocuteur sérieux. «Si M. Martineau est un vrai industriel, c'est aussi un rusé, affirme Yann Augras. On va lui expliquer que 120 repris, ça ne nous convient pas, et qu'il y a des choses à faire pour améliorer ça, comme par exemple aller décrocher des marchés», suggère-t-il.

Et de promettre «qu'on ne lâchera rien parce qu'on connaît notre usine et qu'on sait qu'à 120, elle n'a aucun avenir. Je pense sincèrement que l'offre de GMD peut aller au-delà, on y mettra les moyens. On va taper sur l'Etat, on va taper sur les constructeurs et on va rien lâcher, parce qu'on pense aussi aux gens qui partiront. Il est hors de question qu'ils le fassent une main devant, une main dernière : on est en Creuse, on n'est pas à Lyon, on n'est pas Toulouse ou dans la région parisienne. Ici il n'y a rien, et le peu d'emplois qu'il y avait ils sont aujourd'hui occupés par ceux de nos collègues qui ont subi des redressements judiciaires depuis trente ans.»

Et le fort en gueule du comité d'entreprise de conclure : «Tant qu'on est debout, on n'est pas mort, la bataille, je dis bien la bataille les gars, qui va être la plus dure pour nous et qui sera certainement la plus belle, c'est celle qui arrive.»