Deuxième jour de blocage par les salariés du sous-traitant GM&S sur le site PSA à Sept-Fons, dans l’Allier. Un peu plus d’une centaine d’ouvriers calmes et bonhommes continuent de faire symboliquement pression sur PSA, dont la position en termes de chiffre d’affaires pourrait faire évoluer favorablement les conditions de reprise portées par le seul candidat à l’exercice, l’industriel GMD.
«Bienvenue au camping GM&S !», lançaient ce matin les ouvriers creusois qui se relayent sur place depuis hier. Devant site Peugeot de Sept-Fons dans l'Allier, pas de blitzkrieg social mais plutôt une ambiance potache en mode fin d'année scolaire. A l'entrée un barnum orange avec accueil presse et distribution de cafés, tables de camping, point liste des courses et atelier belote.
Deux ou trois pneus et palettes, ainsi qu’une poignée de salariés étaient disséminés aux trois entrées stratégiques du site pour raccompagner courtoisement tout camion désirant entrer ou sortir. Si bien qu’au bout de quelques heures, on n’aurait plus su dire qui, des gendarmes ou des métallos, assurait la protection des vivres prévus pour la journée.
Pendant ce temps-là, à Paris, tandis que le ministre de l'Economie Bruno Le Maire condamnait auprès des médias le blocage du site, son entourage annonçait par téléphone aux élus du personnel la reprise des négociations mardi prochain dans le cadre d'une réunion au ministère. Ambiance surréaliste de l'aveu du directeur de crise de l'entreprise creusoise, Renaud Le Youdec, qui confesse n'avoir à ce jour «aucun élément concret sur la base desquels travailler l'offre de reprise en vue de l'audience du 19 juillet.»
Hélicoptères
Ici, les hélicoptères déployés par PSA pour extraire les «pièces bloquées» font sourire les ouvriers du cru. «Notre site travaille en flux tendu, le recours aux hélicos, c'est courant comme méthode, ça n'a rien à voir avec le blocage», sourit l'un d'eux. Et son collègue de préciser, «les hélicos, c'est pour amuser la presse. Ils ramassent cinq à huit blocs-moteurs par passage quand notre usine en produit 15 000 par semaine.» Dans le fond, cet ouvrier a, dit-il, de la sympathie pour les Creusois, «parce qu'on sent bien qu'ils ne sont que les premiers d'une longue liste, et que nous-même ici, on n'est pas à l'abri». Il témoigne, mais gardera son nom pour lui et ses distances avec les GM&S. Il ne veut pas «essuyer de remarque.»
Loin de la mentalité de desperados qu'ils se sont parfois laissé prêter, les salariés de l'équipementier creusois étaient venus là sereins et prêts à jouer le jeu que, disent-ils, les constructeurs automobiles, PSA en tête, semblent devoir leur imposer. «Peugeot a dit des choses mais à ce jour n'a pris aucun engagement formalisé par un écrit. Nous sommes ici pour obtenir un engagement écrit de leur part afin qu'ils détaillent ce que contiennent les annonces faites, notamment en termes d'affectation de chiffre d'affaires.»
La crainte des salariés, mais également de leur directeur de crise, désormais les yeux et les oreilles de GMD, porte notamment sur le calendrier. «Peugeot n'est pas clair sur la date à laquelle tomberont les affectations. Comprenez que des commandes en 2018, si elles tombent en janvier ou en décembre, ça n'est pas la même chose en termes de trésorerie», clament-ils d'une même voix.
Seconde demande de la CGT : que soit pris l'engagement écrit d'une négociation concernant l'attribution d'une prime extralégale aux salariés qui seront licenciés. «C'est une pratique constante, courante et régulière dans l'industrie automobile. Et aujourd'hui les constructeurs voudraient changer les règles. Mais il est hors de question pour nous que des collègues qui ont trente, parfois quarante ans d'ancienneté, partent une main devant une main derrière. La plupart d'entre nous ont entre 40 et 50 ans, notre usine c'est toute notre vie, là-bas on est quelqu'un, on a un savoir-faire. Mais dehors on n'est personne», tranche Patrick Brun, élu du personnel.