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Analyse

Google échappe à un redressement fiscal massif

publié le 12 juillet 2017 à 20h26

On pourrait croire à un gag. Sauf que c'est du droit. Le tribunal administratif de Paris a donné raison mercredi à Google, qui contestait un redressement fiscal de 1,115 milliard d'euros au motif que sa filiale irlandaise, qui centralise ses activités commerciales en Europe, n'était pas imposable en France. «Google Ireland Limited (GIL) n'est pas imposable en France sur la période de 2005 à 2010», a résumé le tribunal, qui s'est rangé à l'avis de son rapporteur public. Ce dernier avait estimé mi-juin que Google ne devait subir aucun redressement fiscal en France, parce qu'il ne disposait pas d'un «établissement stable» dans l'Hexagone, notion juridique qui définit une entité économique autonome.

Régulièrement pointé du doigt pour ses pratiques d'optimisation fiscale «agressives» mais pas forcément illégales dans l'état actuel du droit, Google a soutenu pour sa défense que ses salariés chargés en France de démarcher les annonceurs n'étaient qu'un support de ses entités irlandaises. Les contrats des annonceurs sont établis directement avec Dublin, a fait valoir la multinationale, et la France n'est rémunérée qu'au titre d'apporteur d'affaires pour Google Ireland Limited. Un montage qu'a contesté l'administration fiscale lors de l'audience, en faisant valoir que ses régies publicitaires sur le sol français constituent des activités bien établies et suffisamment conséquentes pour que l'on considère qu'il s'agit d'un établissement stable. «Google Ireland Limited a exercé une activité occulte par l'intermédiaire de Google France», a pointé le représentant de Bercy qui, en juin 2011, avait procédé à des perquisitions et saisies dans les locaux parisiens de Google France.

Pour le tribunal, cette existence d'un «établissement stable» ne peut être prouvée, notamment parce que «les salariés de Google France ne pouvaient procéder eux-mêmes à la mise en ligne des annonces publicitaires commandées par les clients français, toute commande devant en dernier ressort faire l'objet d'une validation de Google Ireland». Le tribunal a également jugé que Google France «ne disposait ni des moyens humains, ni des moyens techniques la rendant à même de réaliser les prestations de publicité en cause», l'exonérant en conséquence de TVA.

Cette décision marque un revers pour les pouvoirs publics qui s'escriment depuis des années à tenter de faire payer des impôts aux groupes comme Google à la hauteur de leur activité économique réelle dans le pays. Elle reste cependant provisoire, l'administration pouvant faire appel de cette décision devant le tribunal administratif, puis, le cas échéant la porter devant le Conseil d'Etat. Dans son programme, le candidat Emmanuel Macron s'était engagé à lutter contre l'optimisation fiscale afin «d'imposer les grands groupes de l'Internet sur leur chiffre d'affaires réalisé sur notre sol». Un dossier confié au nouveau secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, et qui figure sur le haut de sa liste de priorités. Il reste du boulot.