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Référendum

Filiale d'Air France Boost : les pilotes en ligne avec la direction

Après le oui massif au référendum interne du syndicat SNPL, la compagnie à coûts réduits verra le jour d'ici la fin de l'année. L'accord stipule que les pilotes conserveront leur salaire d'Air France. Ce qui ne sera pas du tout le cas du reste du personnel, embauché en externe.
Le PDG d'Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, le 16 février 2017 à Paris (Photo ERIC PIERMONT. AFP)
publié le 17 juillet 2017 à 17h59

Après plusieurs mois de suspense, de rebondissements et un retard plus que conséquent sur le calendrier initialement prévu, Air France tient enfin son accord. L’incontournable SNPL, premier syndicat de pilotes de la compagnie, a donné son feu vert pour lancer d’ici à la fin de l’année «Boost», le nom de code de la nouvelle compagnie et filiale à coûts réduits d’Air France-KLM.

Majoritaire à 65% dans les cockpits de la compagnie, le syndicat national des pilotes de ligne avait lancé une consultation interne sur le plan stratégique présenté début novembre par le PDG d'Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, et dont le projet de filiale est le principal pilier. Avec 78,2% en faveur du «oui» et une participation très élevée (82,8%), le résultat du vote est sans appel. Il constitue par ailleurs un désaveu pour l'exécutif du SNPL qui, irrité par certains points du projet d'accord, avait mis au vote un texte alternatif qui n'a recueilli que 16,4% des suffrages. Pour Jean-Marc Janaillac, qui avait succédé à Alexandre de Juniac, dont les relations avec les pilotes étaient plus qu'houleuses, cet accord représente un soulagement. «Cela reste très éloigné de là où souhaitait aller la direction mais on dira que c'est une base de départ», confie un familier de ce dossier au long cours.

Tourner la page des conflits

Négocié depuis décembre par la direction et les deux syndicats de pilotes (SNPL et Spaf), le projet «Trust Together» («La confiance ensemble») sera «signé par le SNPL Air France dans les toutes prochaines heures», a indiqué le directeur des ressources humaines et négociateur en chef du groupe, Gilles Gateau, ex-conseiller social de Manuel Valls à Matignon. «C'est un accord que l'on pourrait qualifier d'historique et comme Air France n'en a pas connu depuis des années avec les pilotes, a-t-il poursuivi. Un vrai compromis. Les deux parties ont fait chacune des concessions de leur côté pour arriver à quelque chose d'équilibré qui sera bénéfique à tous. Tout le monde avait envie de tourner la page des grands conflits de ces dernières années.»

Outre la création de la nouvelle compagnie, qui ne pourra pas exploiter plus de 10 appareils longs courrier et 18 moyens courriers, le texte prévoit des mesures d’efficacité économique estimées à 40 millions d’euros annuels, soit 4% de la masse salariale des pilotes, qui atteint un milliard par an. Les pilotes ont notamment consenti la perte d’un jour de repos mensuel en moyen courrier et la suppression des toilettes réservées aux pilotes dans les A330 et les futurs A350, ce qui permet d’ajouter des sièges en classe affaires.

Pénalités financières

L'accord comprend cependant des contreparties pour les pilotes, notamment sur l'équilibre de production entre Air France et KLM, un sujet cher au SNPL et qui ne figurait pas à l'ordre du jour des négociations initiales. La direction a ainsi établi une «trajectoire» chiffrée permettant à Air France de rattraper partiellement d'ici 2026 les parts d'activité perdues sur long courrier ces dernières années au profit de sa consœur néerlandaise. La part d'Air France, en heures de vol, doit ainsi augmenter progressivement de 58,6 à 61%. Un système de pénalités financières, versées aux pilotes français en cas de non-respect des engagements, a été mis en place, au moins jusqu'en 2022.

«L'objectif est de ne pas avoir à l'appliquer grâce à la croissance que va permettre de générer cet accord, explique Gilles Gateau, qui chiffre à 10% la hausse de l'activité long courrier attendue dans les prochaines années. Ces dernières années, ajoute-t-il, la croissance de Air France a été nulle alors que KLM a bien progressé, ce qui explique la situation actuelle.» Ce rééquilibrage ne sera cependant pas obtenu en freinant KLM, précise la direction, mais grâce à la progression de la part d'Air France au sein du groupe aérien franco-néerlandais.

Interrogé sur le nom de la future compagnie qui doit être lancée dès l'automne 2017 sur moyen courrier puis à l'été 2018 sur long courrier, Gilles Gateau a indiqué qu'une «présentation complète» serait faite «dans quelques jours», au cours de laquelle son véritable nom devrait être dévoilé. Il s'agit pour le deuxième transporteur aérien en Europe en nombre de passagers après Ryanair de «reprendre l'offensive» sur des segments où il est attaqué frontalement par les low-cost et les compagnies du Golfe.

Tous les vols «Boost» seront opérés par des pilotes Air France volontaires, avec des conditions d’emploi et de rémunération inchangées. En revanche, les hôtesses et stewards seront recrutés en externe, à un coût inférieur de 45% comparé à celui d’Air France, dans la moyenne des conditions d’embauche actuellement en vigueur dans les autres compagnies. Enfin, une partie du personnel au sol sera externalisée. Même si ce point était déjà connu, l’accord sur lequel ont été consultés les pilotes prévoit enfin un «surintéressement» en fonction des résultats pour tous les personnels de la compagnie.

750 pilotes embauchés d’ici un an

Interrogé sur le fait de savoir si cette nouvelle stratégie et ces gains de productivité seraient suffisants pour résister à la concurrence, Gilles Gateau a répondu d'un «c'est déjà pas mal». Il a souligné que la hausse de productivité prévue par l'accord ne comprenait pas «les gains supplémentaires qu'Air France retirera de l'exploitation de la nouvelle compagnie». La direction d'Air France a enfin vanté «l'effet vertueux» qu'aura cette croissance escomptée sur l'embauche de nouveaux pilotes, bloquée depuis 2012, et de personnels navigants commerciaux. La compagnie parie sur le recrutement de 250 pilotes d'ici l'été 2018, et s'est fixé l'objectif de 750 embauches à l'horizon 2020. Des arrivées liées à la croissance attendue de l'activité, mais également au mouvement naturel de départs de pilotes en fin de carrière.