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Libération
Et rond, et rond…

La piste d’aéroport du futur sera ronde (ou pas)

Fini l’aéroport traditionnel et ses pistes droites. Avec «la piste sans fin», c’est sur un cercle parfait que pourraient circuler les avions. Présenté comme réaliste, le projet est en pause depuis 2014. Par manque de financement.
Projet The Endless Runway (DR)
publié le 22 juillet 2017 à 17h26

Allez sur YouTube, tapez «atterrissage avion» dans la barre de recherche et regardez les premières vidéos. Tout ce que vous verrez, ce sont des atterrissages qui ont (sacrément) secoué les passagers. Le vent n'est pas de face, l'avion tangue au moment de toucher le sol. En visionnant ces séquences, Henk Hesselink, chercheur néerlandais au Netherlands Aerospace Centre des Pays-Bas, a eu une idée : un aéroport avec une seule piste, circulaire, appelé «The Endless Runway». Toujours au stade du projet, ce système permet d'avoir un vent de face à chaque décollage et atterrissage. «Le vent de travers ralentit la rentabilité des aéroports qui ont des pistes orientées du nord au sud et de l'ouest à l'est, explique le chercheur. Ils doivent parfois annuler des vols, ce qui leur coûte très cher.»

Au cœur du cercle parfait que représente cette piste, quinze chercheurs européens issus de cinq centres spatiaux (en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Pologne et en Espagne) ont imaginé dès 2012 d’implanter tous les bâtiments qui composent un aéroport. Des routes souterraines permettraient aux voitures, taxis et trains d’y accéder sans traverser la piste d’atterrissage de 3 km de diamètre. Point noir du projet : le coût de fabrication, 10 à 60 % plus important que pour un aéroport standard.

Eviter l’usure de l’appareil

En fonction de l'intensité du vent, deux à quatre avions pourront décoller ou atterrir en même temps sur cette «piste sans fin». Cette dernière est incurvée et haute de 30 mètres sur la partie extérieure, pour «une question de gravité qui compense la force centrifuge», explique Henk Hesselink. «Prendre un virage sur une route plate implique que les roues compensent, complète Maud Dupeyrat, responsable du projet pour l'Onera, le centre français de recherche aérospatiale. Ce qui entraîne une usure rapide de l'appareil, que l'on évite avec ce système.»

Preuve que le projet n'est pas une utopie, The Endless Runway a reçu 400 000 euros de la Commission européenne. Et puis plus rien. «Le projet s'est terminé en 2014 après avoir été présenté devant la Commission européenne», explique Maud Dupeyrat. Si les chercheurs ont effectué des simulations grâce à un logiciel, il n'y a pas eu de tests physiques. C'est désormais leur objectif. «Pour que le projet reprenne, poursuit l'ingénieure, il faut attendre que la Commission européenne émette un appel d'offres pour le trafic aérien à l'horizon 2050 ou encore sur le thème des aérodromes pour drones.» Attendre un financement de la part des pays est exclu. «La Commission européenne est plus intéressée par les projets qui ont une vision sur le long terme. Les pays, eux, cherchent à avoir rapidement un retour sur l'investissement», soupire Henk Hesselink.

Projet en suspens

Pour Maud Dupeyrat, l'avenir de la piste sans fin se trouve dans l'usage des drones, «surtout si leur usage commercial évolue rapidement en nombre d'opérations». Ce qui, semble-t-il, ne sera pas le cas tout de suite. En 2016, le projet de piste circulaire dans des aérodromes dédiés aux drones a été proposé à la Commission européenne, qui ne l'a pas retenu. «Ça nous a surpris», s'étonne encore Maud Dupeyrat, pour qui cette proposition est un «sujet d'avenir».

Henk Hesselink, lui, pense que The Endless Runway concernera aussi les aéroports des passagers. Celui qui dénonce un «système aéronautique identique depuis 100 ans qu'il faut faire évoluer», en est convaincu : un jour, lui et ses collègues auront le financement qu'il faut. Un jour, ils pourront mener les tests et prouver qu'avec ce système, les aéroports pourront gagner en rendement, seront plus sécurisés et moins nocifs pour l'environnement. Même si pour le moment le projet est en suspens, les idées ne manquent pas. «Notre partenaire espagnol possède une piste circulaire automobile, idéale pour qu'on mène nos tests avec des drones», se réjouit Maud Dupeyrat.

En France, l'implantation de The Endless Runway pour des aéroports semble difficile, tant il est dur de créer de nouvelles infrastructures ou pistes. «En Pologne, et dans les territoires avec peu d'infrastructures, ce pourrait être envisageable», avance Maud Dupeyrat. Mais ce ne sera pas pour demain.