A seulement 22 ans, Alex Tew a marqué l'Internet des années 2000. A l'aube de son entrée à l'université, en 2005, le jeune américain avait créé la Million Dollar Homepage. Le principe, relativement simple, consistait à vendre de petits espaces publicitaires sur une page web totalement inconnue, devenue incontournable en à peine quelques mois. 1 million de pixels attendaient donc un acquéreur permanent, qui devait alors débourser 1 dollar par pixel. La promesse : posséder «un morceau d'histoire de l'Internet». Douze ans plus tard, le Library Innovation Lab, affilié à l'université de droit d'Harvard, s'est penché sur ce qu'il reste de ce projet un peu fou, dont le dernier millier de pixels s'est vendu aux enchères sur eBay pour 38 000 $. La page «est-elle devenue la proie de l'éphémérité propre au contenu Internet ?», s'interroge le groupe de chercheurs.
Un rapide coup d'œil pour établir un diagnostic : le site est resté figé dans son époque, comme «gelé au temps de son achèvement». L'esthétique de la toile au début du millénaire est ici à l'œuvre et maltraite les globes oculaires des visiteurs. Couleurs criardes à base d'offensif vert fluo sur fond rouge, multiples points d'exclamation, vagues promesses d'économies à travers des offres promotionnelles implicites…
Visualisation des liens accessibles, inaccessibles et redirigés, réalisée par le Library Innovation Lab.
Surtout, la mosaïque, supposée représenter l’extraordinaire potentiel d’Internet à connecter les acteurs du Web, se meurt derrière ses couleurs vives. Plus d’un tiers des liens sont soit inaccessibles, atterrissant en page d’erreur 404, soit redirigés ailleurs: sur les 2 816 liens que contenait la page, 547 ne mènent plus nulle part et 489 pointent vers un autre endroit.
Selon le Library Innovation Lab, un futur est possible pour la Million Dollar Homepage, «un exemple de la culture continuellement en évolution d'Internet, son potentiel émergent, et son excentricité pure». Pour les chercheurs, une mise à jour de tous les sites catalogués pour redonner à la page son objet d'origine est à portée de main grâce aux outils développés depuis.