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Inavouables

J'ose aimer… les touristes et leurs selfies, j'ose détester… les piétons à Paris

Chaque jour de la semaine, les passions et les haines honteuses de la rédaction de «Libération».
Dans les jardins du château de Versailles, en juin 2015. (Photo AFP)
publié le 10 août 2017 à 19h16

Illégitime défense

Vive les touristes perchés sur leurs selfies

Rive gauche à Paris, ils sortent leur perche à selfie. On se dit un peu vite qu’ils ne voient rien des berges, des eaux troubles que charrie la Seine. Trop occupés à se prendre en photo sur le pont des Arts. Ou celui de l’Accademia, à Venise, accent circonflexe sur le Grand Canal. Mais leurs sourires valent bien les mines dépitées des locaux. On peut habiter trente ans une ville et ne rien en comprendre. Ou l’éprouver en une journée. Leur perche télescopique est comme une canne aérienne sur laquelle ils s’appuient pour arpenter le monde, une preuve existentielle plus qu’une vanité personnelle. Et cela entretient un petit commerce de vendeurs à la sauvette : 1, 2, 3 euros la perche… Et pas beaucoup plus cher pour les cadenas. Car oui, il est facile de se moquer des amoureux qui en posent aux grilles des ponts et en jettent la clé. C’est tellement con, puisque rien ne dure. Et puis les garde-corps menaçaient de céder. Alors la mairie les a priés de le faire mais virtuellement, sur un site dédié. C’est tellement con : autant leur proposer une visite et des selfies virtuels de Paris.

Légitime défonce

Dégageons les piétons macronistes

La plupart des Parisiens ne marchent pas dans la rue, ils la consomment. Usagers des trottoirs comme de la RATP. Ils avancent d’un pas névrosé en regardant leurs pieds. Pressés. Et dégagent tout obstacle à la durée de leur trajet. Un petit vieux circule avec lenteur ? Ils l’écartent, oui, d’une main, voire d’un léger coup d’épaule. Poussent leurs enfants-béliers sur leurs poussettes. Et traversent n’importe où, sans regarder, sous les roues des vélos avant de les maudire. On ne peut rien leur dire, ils n’écoutent que leurs playlists. Certains en profitent pour faire de la marche active, leur bracelet connecté enregistrant leur performance. La rue est leur salle de gym, en attendant le bonus de leur assureur, la prime de leur employeur. Elle n’est pas pour eux un espace public ou collectif. Leur pratique du trottoir est ultralibérale la semaine, néolibertaire le week-end. Car le samedi, la rue, ils la privatisent. Paris est une fête, la leur.