La sortie en France de Google Home au début du mois d'août a été accueillie par un enthousiasme très relatif. On peut même parler d'une indifférence polie façon «Ah ? D'accord… Cool… Et le dernier Game of Thrones, t'en as pensé quoi ?» Il faut dire que la nouveauté n'en est pas une puisque l'appareil est disponible aux Etats-Unis depuis dix-huit mois. Délai qui semble avoir été nécessaire au Google Assistant embarqué dans la machine pour apprendre le français.
Regardons l'appareil d'un peu plus près. Google Home est ce qu'on appelle un assistant domestique, comprendre un appareil à qui l'on parle et qui est censé simplifier la vie à l'intérieur de la maison. Il se présente sous la forme d'une petite enceinte qui réagit dès que quelqu'un prononce la phrase clef «Ok Google» (nouveauté pour le français, «Dis Google» fonctionne aussi). Dès lors, on peut tout lui demander. Enfin, surtout ce qui est dans ses cordes, à savoir : la météo, les infos, passer de la musique (via Spotify, Deezer ou Google Music), agir sur un objet connecté compatible, répondre à une question basique dont la réponse est trouvable immédiatement sur Internet («Qui est Emmanuel Macron ?», «Quelle est la définition de la suffisance ?») ou interagir avec certains services Google comme l'agenda. Et pour répondre, le Google Home – qui ne possède pas d'écran – nous parle.
Voyage dans le temps
Avouons-le d'emblée, ça fonctionne plutôt bien. Tant qu'on reste dans les clous de son savoir-faire, Google Home est efficace. Pour ne rien gâcher, le son est même plutôt bon pour un objet de cette taille (une quinzaine de centimètres de haut). L'ensemble dégage un parfum de futur, de ces lendemains peuplés de voitures volantes, jet-packs et frigos connectés. Mais, aussi futuriste soit-il, un objet se doit d'avoir une utilité au quotidien. Et celle du Google Home, selon la présentation de Raphaël Goumain, directeur marketing de Google France, lors de la soirée de lancement organisée mardi à Paris, c'est de simplifier les interactions numériques au sein du foyer. Il a pris plusieurs exemples, dont celui-ci : «Il est l'heure de regarder une série. J'ai l'option sortir mon téléphone, lancer l'application, me balader dans les menus, retrouver la série, le numéro de l'épisode, cliquer, lancer ça sur ma télé, ou alors demander à Google Home. Ok Google, joue Stranger Things de Netflix sur ma télé. Sympa, quand même…» Et de conclure sa présentation par : «Google Home permet de simplifier le quotidien, parce qu'on est moins accaparé par son smartphone. La commande à la voix, ça permet de mieux profiter du moment dans lequel on est.»
Là, on a un peu voyagé dans le temps. Et pas dans le bon sens. En 2013, Google est en pleine phase d'évangélisation pour son nouveau produit du futur qui va tout changer : Google Glass. Ce serre-tête augmenté allait faire apparaître des informations connectées dans le champ visuel de l'utilisateur. Et quand on l'avait essayé à l'époque, le démonstrateur avait pointé l'intérêt social de ne plus avoir à sortir son téléphone pour consulter ses SMS. Les limites technologiques de l'appareil ont sûrement joué (notamment la surface d'affichage très limitée), mais c'est bien l'inutilité flagrante du machin qui a causé sa perte. Pourquoi s'encombrer d'un nouvel objet moins performant pour se libérer d'un autre dont l'usage est devenu machinal et naturel ?
Informations limitées
C'est ce même paradoxe qui handicape dramatiquement aujourd'hui Google Home. Sans écran, il ne peut que transmettre des informations très limitées. Sur la météo, par exemple, il évoque la température et les précipitations dans la journée alors qu'il suffit généralement d'une pression sur la bonne appli pour accéder aux prévisions heure par heure d'un seul coup d'œil. Sur toutes les applications possibles, il se révèle moins pertinent que le plus basique des smartphones. Et l'exemple de Netflix ne tient pas la route bien longtemps si on ne l'utilise pas via Chromecast de… Google. Quand on regarde les usages actuels des assistants domestiques aux Etats-Unis, ça ne fait pas un pli. Les deux utilisations les plus communes de l'assistant d'Amazon Echo sont ainsi la musique (normal pour un objet qui est avant tout une enceinte) et, juste devant, le minuteur de cuisine. Disruptif.
Au-delà de l'effet «wow» bien présent (en plus, il fait plein de blagues, idéal pour amuser des amis de passage), Google Home n'est donc rien de plus qu'une bonne enceinte connectée. Avec ce petit plus qui, finalement, peut finir par être un poil angoissant : c'est une enceinte qui nous écoute. Même sans tomber dans la paranoïa, sa présence est un peu pesante. Il est bien sûr possible de désactiver le micro, mais on remarque alors un choix de design contre-intuitif. C'est lorsqu'il est inactif que Google Home se fait remarquer par quatre leds allumées. Lorsqu'il écoute, tout est éteint. Comme s'il voulait se faire oublier. OK Google, désolé, mais on va carrément te débrancher.