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Libération
Analyse

Economies dans l'audiovisuel public : l'enfumage du gouvernement

La ministre de la Culture a confirmé la baisse de la dotation à France Télévisions, Radio France et les autres, mais en citant un chiffre inférieur à celui qui circulait les derniers jours. Un effet de communication.
En cumulant tous les éléments, on arrive bien à une économie de 80 millions d'euros. (Photo Kenzo Tribouillard. AFP)
publié le 15 septembre 2017 à 16h06

La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, l'a confirmé à l'AFP : les ressources de l'audiovisuel public vont diminuer en 2018. «Le gouvernement a fait de la maîtrise des dépenses publiques une priorité, a-t-elle justifié, et l'audiovisuel public sera amené à contribuer à cette maîtrise des dépenses, mais dans une proportion mesurée.» Et de citer le chiffre de 36 millions d'euros d'économies à réaliser, alors que l'on parlait ces derniers jours d'un effort total d'environ 80 millions.

Dans la dernière ligne droite avant la présentation, fin septembre, du projet de loi de finances, le gouvernement aurait-il décidé de laisser un peu plus d'air à France Télévisions, Radio France, Arte France et autres France Médias Monde (RFI, France 24) ? «C'est un enfumage complet, un habillage d'une baisse de budget plus importante», peste un haut cadre de l'une de ces entreprises publiques.

Suppressions de recettes anticipées

Les 36 millions d'euros indiqués correspondent à la baisse de la dotation de l'Etat, qui s'élevait cette année à quelque 3,9 milliards d'euros. Ce qui permet à Françoise Nyssen de dire qu'elle représente un repli de «moins de 1%». Malgré cela, le budget de l'audiovisuel public en 2018 restera supérieur à ceux de 2015 et 2016, fait valoir la ministre. Car il a été augmenté en 2017 de 1,6% par le gouvernement précédent, quand François Hollande était encore à l'Elysée, dans le cadre d'une revalorisation globale des dépenses de l'Etat en faveur du secteur culturel. Les «contrats d'objectifs et de moyens» signés il y a quelques mois par l'Etat et les entreprises publiques projetaient même que la hausse devait s'accroître chaque année jusqu'en 2020.

A ce montant de 36 millions d'euros, il faut cependant ajouter deux suppressions de recettes anticipées. L'une, estimée à 25 millions d'euros, est le surcroît de redevance prévu pour 2018. Cet impôt de 138 euros, officiellement nommé «contribution à l'audiovisuel public», est payé par tous les foyers détenteurs de postes de télévision. L'autre, de 20 millions, ne concerne que France Télévisions : il s'agit d'une compensation promise par l'Etat en échange de l'arrêt de la publicité autour des programmes jeunesse des chaînes du groupe.

«Reports de dépenses»

Si l'on cumule ces trois éléments, on arrive bien à une coupe de l'ordre de 80 millions d'euros dans la trajectoire financière sur laquelle les dirigeants de l'audiovisuel public travaillaient. Au ministère de la Culture, on l'admet d'ailleurs volontiers, malgré le discours officiel. Mais on insiste sur le fait que les «économies» à proprement parler ne sont que de 36 millions d'euros. «Et, pour une partie d'entre elles, il ne s'agit pas d'économies mais de reports de dépenses, comme cela se fait tout le temps dans ce secteur», ajoute-t-on rue de Valois.

Le détail de ce subtil jeu budgétaire n’est pas encore arrêté. Ni la répartition de l’effort entre les sociétés publiques ni la façon dont elles devront procéder pour y arriver. A ce stade, des réductions d’effectifs supplémentaires à celles déjà en cours à France Télévisions ou Radio France ne sont pas une option privilégiée. Une réunion est prévue lundi entre le Premier ministre, la ministre de la Culture et les dirigeants des entreprises concernées.