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Libération

Le gaz naturel, une solution un peu trop fossile

Vanté comme une «énergie d’avenir» par l’industrie pétrogazière, le gaz fossile est pourtant incompatible avec l’accord de Paris.
publié le 21 septembre 2017 à 18h26

S'il est une énergie fossile qui ne connaît pas la crise, c'est bien le gaz. Sa consommation mondiale grimpera plus vite que celle du pétrole et du charbon ces cinq prochaines années (+ 1,6 % par an, pour atteindre 4 000 milliards de mètres cubes d'ici à 2022), anticipe l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Partout, ses usages se développent toujours plus, dans la production d'électricité, la chimie ou les transports, en particulier en Chine, où il est «porté par les politiques d'amélioration de la qualité de l'air», note le bras énergétique de l'OCDE.

Depuis quelques années, l'industrie pétrogazière présente le gaz «naturel» (le joli nom du gaz d'origine fossile) comme une «énergie d'avenir» indispensable à la lutte contre la pollution et le changement climatique. Principaux arguments ? Il constituerait la clé de la transition énergétique, en permettant de compenser la variabilité des énergies renouvelables (continuer à produire de l'électricité lorsque le soleil ne brille pas ou que le vent faiblit). Et serait «la plus propre des énergies fossiles», car il est deux fois moins émetteur de gaz à effet de serre que le charbon.

Sauf que ce n'est pas tout à fait vrai, en particulier dans le cas du gaz de schiste. La production et le transport de cet hydrocarbure non conventionnel - désormais exploité massivement aux Etats-Unis et exporté sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) - entraînent en effet d'importantes fuites de méthane, un gaz 25 fois plus «réchauffant» que le dioxyde de carbone (CO2). Et les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) l'ont dit : afin de pouvoir tenir l'objectif de l'accord de Paris (limiter à 2 °C, voire 1,5 °C, la hausse de la température moyenne du globe par rapport à l'ère préindustrielle), 80 % des réserves fossiles déjà connues doivent rester dans le sol. Y compris celles de gaz.

Pour respecter l’accord, il faut donc décarboner totalement le secteur électrique d’ici à 2050, ce qui implique d’y réduire à zéro le rôle du gaz et s’avère parfaitement possible techniquement et économiquement, insistait fin juin le Climate Action Tracker (CAT, une analyse indépendante des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre). Les auteurs du rapport alertent sur les risques liés aux investissements dans de nouvelles infrastructures gazières (exploration-production, gazoducs, terminaux de liquéfaction et de regazéification pour le GNL, méthaniers, centrales…). Soit leur utilisation intensive serait dangereuse pour le climat, soit leur sous-utilisation (liée à des politiques climatiques ambitieuses et à l’essor des renouvelables) le serait pour le portefeuille des investisseurs. Bref, le gaz fossile serait un pari perdant dans tous les cas.

Malgré ces avertissements, les subventions à la production d’énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz confondus) représentent toujours 444 milliards de dollars par an dans les pays du G20, la France leur versant à elle seule 1,4 milliard de dollars de subventions chaque année.