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Logement

Congrès des HLM : «On n'a pas apprécié le foutage de gueule»

Au rassemblement des bailleurs sociaux qui s'est tenu à Strasbourg, le secrétaire d'Etat à la Cohésion du territoires, Julien Denormandie a été hué, et chahuté pendant son discours, au lendemain de l'annonce de coupes budgétaires drastiques dans l'APL.
A Strasbourg, ce jeudi. (Photo Patrick Hertzog. AFP)
publié le 28 septembre 2017 à 21h05

Cris, sifflets, noms d’oiseaux, banderoles, et pour finir une partie des congressistes qui quittent les lieux, laissant le secrétaire d’Etat à la Cohésion des territoires devant une salle dégarnie, au Parc des expositions de Strasbourg où se tenait le Congrès annuel des HLM. Julien Denormandie a été conspué tout au long de son intervention. Jean-Louis Dumont, le président de l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui fédère tous les organismes de HLM et qui organisait le congrès, a eu beau intervenir à trois reprises pendant le discours du secrétaire d’Etat pour appeler au calme, la salle a continué à protester.

Enormités

Il faut dire que la veille, Bercy a dévoilé le projet de loi de finances 2018 prévoyant une baisse de 1,7 milliard d'euros de l'APL des locataires HLM, que les organismes devront compenser par une baisse équivalente des loyers. Et pour 2019 une taille supplémentaire de 1,5 milliard est annoncée. Dans le monde des bailleurs sociaux, certains considèrent que ces montants sont si extravagants qu'ils témoignent d'une volonté «de détruire le modèle économique et social des HLM». Dans le projet de budget de 2018, Bercy leur fait supporter 11% du total des économies que veut réaliser l'Etat (15 milliards d'euros). Mais à Strasbourg, au lendemain de l'annonce de ces coupes drastiques, Julien Denormandie est venu dire qu'«il n'y aura aucun perdant : ni les bailleurs sociaux, ni les allocataires, ni notre capacité à construire des logements sociaux».

Des énormités face à des dirigeants de HLM qui gèrent des organismes de plusieurs dizaines de milliers de logements et qui savent compter. Devant la salle, le ministre a aussi évoqué le nombre de demandeurs de logements sociaux (1,8 million, dont un tiers est déjà en HLM et veut une mutation) sans expliquer que ce sont les loyers prohibitifs du privé (contre lesquels le gouvernement n’a pas prévu de mesure immédiate) qui poussent massivement des ménages à tenter leur chance en HLM.

Enfin, Julien Denormandie a appelé les congressistes à construire massivement alors que la baisse des loyers qu'on leur impose siphonne leurs fonds propres. «En aucun cas nous ne cherchons à ponctionner des bailleurs sociaux», a prétendu le secrétaire d'Etat. «On n'a pas apprécié le foutage de gueule», dit un congressiste. Les HLM s'estiment victimes de poncifs et d'a priori, et d'une «méconnaissance de [leur] travail» par leurs ministres de tutelle, coupables selon eux de ne pas les avoir défendus face aux coupes budgétaires décidées par Bercy. D'où les cris et les chahuts, comme en témoigne une vidéo tournée par le site Batiactu.com.

Faute lourde

«Quand on vient de la société civile, le minimum c'est d'avoir un peu de formation politique et ne pas provoquer des gens déjà en colère», dit Alain Cacheux, ancien député PS et président de la fédération des offices publics, qui a «quitté la salle au bout de vingt minutes. Un peu plus tard, pendant que je fumais une cigarette dehors, j'ai vu le secrétaire d'Etat repartir». Ce fût une journée de colère donc.

Mais l’affaire n’est pas finie. En traitant avec légèreté le monde des HLM, qui participe à la rénovation urbaine et la renconstruction des quartiers en difficulté, qui loge à des loyers accessibles des ménages pauvres, modestes ou moyens notamment dans les zones tendues où les loyers du privé sont inaccessibles, qui gère 4,8 millions de logements et loge 11 millions de Français en lien avec les élus des territoires, le gouvernement commet une faute politique lourde qu’il risque de regretter à l’avenir.