La justice serait-elle raccord avec le calendrier politique ? Quelques jours avant que le dossier des travailleurs détachés ne redevienne d’actualité, une perquisition est venue relancer la question de la légalité de leur activité en France. Mercredi dernier, les gendarmes de l’Office central de lutte contre le travail illicite (OCLTI) débarquent sans prévenir au siège social de la compagnie aérienne Chalair à Caen et dans les bureaux qu’elle occupe à l’aéroport de Limoges. Ils sont mandatés par le parquet de Limoges, qui a ouvert une enquête préliminaire pour travail dissimulé. Quelques heures plus tard, les enquêteurs repartent avec une série de documents, aspirés notamment dans les disques durs des ordinateurs de la société.
Chalair est une compagnie aérienne d’une dizaine d’avions qui effectue des vols entre métropoles régionales et assure notamment la liaison Limoges-Paris. Ses équipages sont français, mais il lui arrive de recourir à des pilotes, des hôtesses et stewards portugais, dotés de contrats de travail de leur Etat d’origine. Et c’est justement là que le bât blesse. Un avion d’une compagnie française, reliant des villes françaises peut-il fonctionner avec des salariés dont les contrats relèvent d’une autre législation et où… les charges sociales sont moins élevées ?
Ligne subventionnée par les deniers publics
Cette délicate question est justement le déclencheur de l'enquête préliminaire menée par le parquet de Limoges. Joint par Libération, le PDG de Chalair, Alain Battisti, indique qu'il a recours à des équipages portugais «uniquement de manière exceptionnelle, pour faire face à des défections et dans le but de maintenir les vols plutôt que de les annuler».
L'affaire se complique quelque peu dans la mesure où Alain Battisti est également le président de la Fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam), un organisme qui représente l'ensemble des compagnies aériennes françaises auprès des pouvoirs publics. Enfin, cerise sur le gâteau, la ligne Limoges-Lyon, qui suscite l'intérêt des enquêteurs, est une liaison dite «d'aménagement du territoire». En clair, compte tenu du faible nombre de passagers, elle est subventionnée par les deniers publics, qui contribuent ainsi au désenclavement de Limoges. La problématique des travailleurs détachés ne pouvait imaginer meilleur terrain d'expérimentation ?