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Libération
Décryptage

Taxe foncière : les «passoires thermiques» pourraient coûter davantage

Dans une interview aux «Echos», Nicolas Hulot et Jacques Mézard annoncent que le gouvernement vise la rénovation thermique de 500 000 logements par an dont 100 000 HLM, et réfléchit à moduler les impôts en fonction de leur bilan énergétique.
La cité Berthe, à la Seyne-sur-Mer (Var). (Photo Eric Estrade. AFP)
publié le 24 novembre 2017 à 12h45

En matière de fiscalité locale, il n'y a pas que le sujet de la taxe d'habitation, dont Emmanuel Macron a confirmé jeudi devant le congrès des maires la suppression pour 80% des foyers dans les trois ans et sa disparition totale à l'horizon de 2020 dans le cadre d'un grand «big-bang» des impôts locaux. Selon les Echos, l'autre grande source de recettes des communes, la taxe foncière (qui concerne toutes les propriétés bâties), va être modulée de manière a inciter les propriétaires des bâtiments à effectuer des travaux d'isolation thermique. En substance, plus une maison ou un appartement est énergivore et plus il sera taxé. Dans une interview au quotidien économique, le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, et son collègue du gouvernement Jacques Mézard, en charge de l'habitat, expliquent que la France compte de 7 à 8 millions de logements qui sont de véritables «passoires thermiques» sur un total de 29 millions de résidences principales. Soit plus d'un sur quatre. Ce qui représente un énorme gisement possible d'économies d'énergie et une source de croissance économique verte avec les travaux d'isolation. «Il y a beaucoup d'emplois à la clé dans le secteur de l'efficacité énergétique, pour les grands groupes comme pour les petites entreprises artisanales», souligne Jacques Mézard, précisant que le plan du gouvernement «sera soumis à la concertation, avec les acteurs économiques, les collectivités et les associations». Décryptage des mesures.

Combien de logements le gouvernement veut-il voir être rénové ?

Selon Nicolas Hulot, l'objectif est de traiter 500 000 logements par an dont 100 000 sociaux, en concentrant les efforts sur les «passoires thermiques». Les propriétaires privés bénéficieront des aides de l'Anah (Agence nationale pour la rénovation de l'habitat), alors que l'actuel CITE (crédit d'impôt de transition énergétique) sera transformé en une prime directe dès 2019. Les aides et les informations techniques sur les travaux à effectuer vont être simplifiées pour les rendre plus lisibles auprès des personnes éligibles aux dispositifs. Le ministre de la Transition écologique indique que l'Etat va investir 12 milliards d'euros sur le quinquennat dans la rénovation thermique des logements mais sans expliquer d'où viendra cet argent dans le contexte budgétaire du moment, très contraint par la maîtrise des déficits publics. Nicolas Hulot annonce également 1,8 milliard de dépenses pour rénover les immeubles appartenant à l'Etat et 3 milliards pour le traitement thermique de ceux appartenant aux collectivités territoriales (écoles, mairies, bibliothèques…).

La fiscalité locale, une arme contre les «passoires thermiques» ?

Le gouvernement réfléchit «à des solutions […] incitatives comme la modulation des taxes foncière ou des droits de mutation [quand le logement fait l'objet d'une vente, ndlr] en fonction du diagnostic de performance énergétique des logements», révèle Nicolas Hulot. L'idée est de taxer beaucoup plus les passoires thermiques que des logements écologiquement exemplaires. «Sur le plan juridique c'est tout à fait possible […]. Une mission a été lancée pour explorer les différentes options», ajoute-t-il. Plus facile à dire qu'à faire, car l'Etat n'a pas la main dans ce domaine : les taux de la taxe foncière sont fixés par les communes, les intercommunalités et les départements, chacune de ces collectivités touchant une quote-part de cette recette. Jacques Mézard reconnaît que l'Etat ne pourra fixer qu'un «cadre» général et pour le reste il devra «discuter avec les collectivités» pour faire avancer l'idée d'un bonus/malus fiscal.

Comment accélérer le rythme des rénovations thermiques ?

Concernant les immeubles publics notamment, les deux ministres estiment qu'il est possible de passer à l'ère industrielle de la rénovation, le rythme actuel des bâtiments traités n'étant pas satisfaisant. «De très nombreux bâtiments […] ont été construits sur le même modèle, à la même époque. On pourrait imaginer d'attribuer des marchés de rénovation de ces bâtiments par lots, ce qui réduirait nettement les coûts», pointe Jacques Mézard. «Il s'agira également de lever les freins réglementaires à l'émergence de solutions innovantes dans les équipements comme dans les matériaux», complète Nicolas Hulot, qui compte aussi «faciliter l'accès au marché» de la rénovation aux TPE et PME innovantes.

Augmenter les prix de l’énergie pour inciter aux économies ?

«Non», répond Nicolas Hulot, rappelant que le gouvernement a déjà augmenté le prix du carbone. «On va s'en tenir là pour l'instant, ajoute le ministre de la Transition écologique. Ma priorité, c'est bien le prix du carbone, qui accompagne les changements de comportement.»