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Libération
EDITORIAL

Complices

publié le 29 mars 2018 à 20h36

La note du dernier éditorial de Laurent Joffrin sur la montée de l'antisémitisme ? 10/10, forcément. Il est contre. Contre l'antisémitisme. Ouf ! La note de l'éditorial que votre serviteur est en train - péniblement - d'écrire ? Avant même qu'il soit terminé, parions qu'elle sera mauvaise. Puisqu'il se prononce contre. Contre les notes. En tout cas contre la dictature de la notation de tout et n'importe quoi, à midi ou à minuit, au soleil ou sous la pluie, glace vanille sur les Champs-Elysées ou édito dans les colonnes de Libé. Après lecture de l'enquête que nous publions sur cette frénésie 2.0 de l'évaluation, cette perspective de vivre dans une société où vous noterez tout ce que vous voulez n'a rien d'une chimère. Et c'est effrayant. A l'heure où l'on s'interroge sur les méfaits des notes qui continuent de dicter leur loi à l'école, voilà qu'il faudrait se préparer à les supporter de 7 à 77 ans, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et à les donner, puisque les consommateurs, il faut bien le dire, sont souvent les complices de cette surveillance permanente. Etrange paradoxe. Les enseignements de notre enquête sont plus inquiétants encore. Que montre-t-elle ? Que ces petits likes sur le sourire du plombier ou la rapidité avec laquelle est arrivé votre repas sont des outils de gestion pour le moins contestables. Avec les conséquences sociales que l'on devine aisément. Rien de nouveau, diront certains, pour qui il est heureux que cette culture de l'évaluation existe dans les entreprises. Elle s'est même étendue ces dernières années à la fonction publique, contribuant à en moderniser des pans entiers. Sauf que cette culture bénéfique de l'évaluation obéit à des procédures complexes, argumentées, parfois négociées et élaborées de manière collective. Rien à voir avec une étoile, un like, une note, qui sont, pour beaucoup de salariés, autant de couperets sans merci.