Si un jour un écrivain cherche un personnage qui pourrait incarner toute la démesure de ce début de XXIe siècle, il tombera forcément sur Elon Musk. Voilà un homme hybride, fait de rêve, de dollars et de technologie. Il est devenu le nouveau grand manitou d'une modernité dont on ne sait pas si elle nous conduit au pire ou au meilleur. A la fin d'un monde ou à la naissance d'un nouveau.
Elon Musk a eu l’ahurissant talent de faire cohabiter une mégalomanie adolescente, qui fait sourire, avec une obsession pathologique du profit qui effraie. Son pessimisme pour cette vie sur Terre l’a conduit à imaginer une humanité qui sera demain «multiplanétaire». Il a rêvé de coloniser Mars, de transporter des hommes dans des voitures électriques et autonomes ou dans des capsules propulsées en lévitation dans des tubes d’acier à 1 200 km/h. Il aurait pu en rester là. Sauf qu’il a réussi à donner à ses utopies une réalité industrielle. Chez nous, Elon Musk ne serait qu’un gentil hurluberlu. Au mieux un écrivain de science-fiction. Aux Etats-Unis, il est devenu un milliardaire. On est suffisamment critique avec cette finance américaine pour ne pas ici lui rendre un petit hommage. Il y a, dans sa capacité à s’emballer pour de belles histoires, quelque chose qui laisse pantois. C’est la principale qualité de sa démesure. Les marchés financiers aiment aimer. Et adorent détester ce qu’ils ont vénéré. Parce qu’ils anticipent la perspective du profit. Ou celle de la faillite, ce qui revient au même, pour celui qui sait vendre à temps. Alors peu importe que Musk réussisse ou périsse à cause de Wall Street. Car contrairement aux histoires pour enfants, celle-là n’a aucune morale.